«Personne ne vous entend quand vous criez». Dangereux tournant de la politique migratoire en Tunisie

Amnesty International 2025 en date du 16 décembre 2025 à 11h19


Des migrants subsahariens abandonnés dans le désert à la frontière entre la Tunisie et la Libye, le 16 juillet 2023. © Mahmud Turkia/AFP/Getty Images

En mai 2024, les autorités tunisiennes se sont lancées dans une répression sans précédent contre les organisations et les personnes qui aident les réfugié·e·s et migrant·e·s sur fond de campagne de diffamation entachée de racisme et de xénophobie menée dans les médias en ligne et hors ligne. Dix des personnes ciblées se trouvent toujours en détention provisoire arbitraire, dont huit défenseur·e·s des droits humains. Peu après cette campagne de répression, les autorités ont suspendu sans le communiquer l’accès aux procédures de demande d’asile. Ceci représente un recul des plus alarmants, pouvant potentiellement laisser des milliers de personnes nécessitant une protection internationale dans une situation d’incertitude et de précarité encore plus grande et dans un danger accru de subir des violations des droits humains. Les autorités ont également cessé de publier des données relatives aux interceptions en mer tout en mettant en place une Zone de recherche et de sauvetage maritime tunisienne censée faciliter ces opérations sur un plus vaste espace maritime.

Ces mesures représentent les derniers développements en date d’un inquiétant tournant dans les politiques et pratiques du pays en matière de migration et d’asile, un tournant initié en 2023 par de préoccupants appels publics à la haine à caractère xénophobe et raciste de la part des plus hauts représentants de l’État. Le système d’immigration et d’asile de la Tunisie repose désormais sur des méthodes de maintien de l’ordre racistes, des violations des droits humains généralisées et un mépris global pour les vies, la sécurité et la dignité des personnes réfugiées ou migrantes, surtout celles qui sont noires. En effet, les lois, les politiques et les pratiques de la Tunisie en matière d’immigration et d’asile sont utilisées de manière courante pour exclure des hommes, des femmes et des enfants du pays sur la base de leur couleur de peau.

Ce tournant s’inscrit dans le cadre d’attaques incessantes menées contre les droits fondamentaux, initiées par le président Kaïs Saïed, après qu’il s’est emparé du pouvoir en juillet 2021. Ces attaques ont notamment conduit à un démantèlement des garanties institutionnelles de protection des droits humains, à une érosion de l’indépendance judiciaire et à une répression de la liberté d’expression et d’association.

Dans le cadre du système d’immigration et d’asile de la Tunisie, les expulsions sommaires collectives de personnes réfugiées ou migrantes vers l’Algérie et la Libye voisines sont devenues une pratique généralisée. Elles font souvent suite à de dangereuses interceptions en mer ou à des arrestations et détentions liés à leur origine ou couleur de peau. De telles pratiques bafouent de façon flagrante le droit international et le principe de « non-refoulement », qui interdit le retour de toute personne dans un endroit où existe un risque réel pour elle de subir des persécutions ou d’autres atteintes graves à ses droits fondamentaux ou violations de ceux-ci. Ces violations s’accompagnent généralement de tortures et d’autres formes de mauvais traitements. Des personnes réfugiées ou migrantes, en particulier des femmes, ont livré des témoignages glaçants de violences sexuelles déshumanisantes, de passages à tabac et d’autres actes de torture et traitements cruels qui leur ont été infligés par la Garde nationale tunisienne.

Ces conclusions se fondent sur une enquête approfondie menée de février 2023 à juin 2025 sur les expériences vécues par des personnes réfugiées ou migrantes en Tunisie, principalement à Tunis, la capitale du pays, et dans ses environs ainsi que dans les villes de Sfax (à 270 kilomètres au sud-est de Tunis) et de Zarzis (à 540 kilomètres au sud-est de Tunis). Amnesty International s’est entretenue avec 120 personnes réfugiées ou migrantes venant de l’Afghanistan, de l’Algérie, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la Gambie, du Ghana, de la Guinée, de la Libye, du Mali, du Nigeria, de la République centrafricaine, de la République du Congo, de la République démocratique du Congo, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Soudan, du Soudan du Sud, du Tchad et du Yémen. Elle a également passé en revue les informations publiées par des organes concernés des Nations unies, comme l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les procédures spéciales des Nations unies et le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ; par des médias et organisations de défense des droits humains ainsi que sur les pages Facebook de la présidence tunisienne, des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères et de la Garde nationale.

Amnesty International a fait part de ses conclusions et recommandations aux autorités tunisiennes, européennes et libyennes en amont de la publication afin qu’elles les commentent. Nous n’avons pas encore reçu de réponse à la date de publication.

Amnesty International souhaite exprimer son immense gratitude aux personnes qui ont confié à l’organisation leurs témoignages profondément personnels et, la plupart du temps, douloureux alors qu’elles se trouvaient dans des situations des plus précaires.

Lire le rapport intégral de 21 pages sur le site d'Amnesty.

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