Témoignage de Guillaume Cizeron premier gay français médaillé d'or au JO

Envoyé par Komitid, l'Équipe / via ALGI en date du 21 février 2022 à 20h18

« A 29 ans, Guillaume Cizeron est devenu lundi 14 février champion olympique de danse sur glace, aux côtés de sa partenaire, Gabriella Papadakis. Grâce à ce titre, il est un des rares athlètes français à avoir obtenu un titre olympique. » (komitid.fr)

( Guillaume Cizeron avec Gabriella Papadakis, photo publiée avec l'article de Kimitid )

« Le quadruple champion du monde de danse sur glace, avec Gabriella Papadakis, a écrit un texte bouleversant pour revenir sur les moments traumatisants vécus dans sa jeunesse, avant qu'il ne parvienne à assumer son homosexualité. ». C'est ainsi que le site lequipe.fr introduisait la lettre ouverte de Guillaume Cizeron publiée le 30 mai 2020.

« J'avais le sentiment d'être différent »
« T'es une fille ou un garçon ? » me demandaient mes camarades de classe lorsque j'étais enfant. Suivaient généralement des rires et moqueries des autres élèves. Étais-je une fille ou un garçon ? La question ne me semblait pas si incongrue. Très jeune, je me souviens m'être questionné sur mon identité et mon genre. Je me rappelle très clairement faire face à ma mère : « Maman, je suis une fille ou un garçon ? »

Évidemment, je n'étais pas encore capable de comprendre ou verbaliser mes interrogations mais j'avais le sentiment d'être différent. Différent des autres garçons. J'étais terrifié à l'idée d'être né dans le mauvais corps, pendant longtemps je ne savais pas qu'être gay était une possibilité, je pensais simplement que quelque chose n'allait pas chez moi. Je ne veux pas encourager les stéréotypes mais j'ai toujours été plus enclin aux jeux de poupées, de déguisement et de maquillage. Très vite, j'ai compris que les garçons ne « devaient » pas jouer aux Barbies. Donc j'ai arrêté. Je m'asseyais sur le lit, regardant mes deux soeurs habiller leurs poupées.

À l'école primaire, j'étais très souvent seul, je ne voulais pas jouer au foot avec les garçons, et certains jours, mes copines voulaient rester entre filles. Je m'asseyais alors dans un coin, ni fille ni garçon, quelque part entre les deux, attendant désespérément la sonnerie de la fin de récréation. Au collège, je passais de nombreuses récréations dans les toilettes, à me cacher pour ne pas être persécuté ou pour ne pas avoir à subir l'humiliation de la solitude. J'étais un garçon extrêmement timide et terriblement sensible, je ne répondais presque jamais aux insultes. Pédé, tapette, tantouse, et j'en passe. Les insultes rythmaient mon quotidien et devinrent bientôt cette petite mélodie malsaine en arrière-plan de mes pensées. L'accoutumance est le vice de l'intimidation, on s'habitue à la violence, elle devient normale. Et bien souvent on finit par croire qu'on la mérite. Ceux qui comme moi ont été amenés à croire qu'ils ne méritaient pas d'être doivent constamment lutter contre cette version d'eux-mêmes modelée par les autres.

Aujourd'hui encore je me surprends quelques fois à censurer certaines de mes actions, mimiques, ou propos, par gêne ou par peur de déplaire. J'essaye depuis plusieurs années maintenant de faire ce travail interne qui consiste à redécouvrir et accepter les parties de moi que j'ai eu à cacher, enfouir, supprimer. Chaque être humain possède en lui une partie de masculinité et de féminité, qu'il le veuille ou non. Personnellement je cultive et célèbre les deux, aussi bien dans la vie que sur la glace. Les deux énergies sont très complémentaires et je m'amuse à puiser dans l'une ou l'autre en fonction des rôles que je danse sur glace.

Pourquoi parler de tout cela aujourd'hui me demanderez-vous ? Je médite sur la question depuis quelques mois, et après en avoir parlé à quelques proches autour de moi, j'ai réalisé que si mes paroles avaient le pouvoir d'aider ne serait-ce qu'une personne à mieux s'aimer, s'accepter, alors cela vaudrait la peine de parler. Aujourd'hui, malgré de grandes avancées sur le chemin vers la tolérance, le combat n'est pas fini. Je considère que mon silence ne servirait pas la cause et serait plus synonyme d'indifférence que de prise de position. Même si ma conviction est qu'une vraie tolérance signifierait ne pas avoir à sortir du placard, comme un hétérosexuel n'a jamais eu à dévoiler son orientation.

Dans un monde idéal, personne n'aurait besoin d'avoir à justifier ses attirances sexuelles ou romantiques. Comme quelqu'un à qui je tiens beaucoup m'a dit une fois : « Tu mérites d'être aimé. Simplement parce que tu existes. » Chacun mérite amour et dignité, peu importe s'il s'identifie comme un homme, une femme, ou aucun des deux, peu importe qu'il soit attiré par un homme, une femme, ou les deux à la fois. Nous voulons simplement que l'on nous laisse vivre tranquillement, avec le respect, l'amour et les droits que nous méritons. Mais en attendant que ce monde existe, j'aimerais que les personnes qui se reconnaissent à la lecture de mes mots sachent qu'elles ne sont pas seules. La façon dont nous sommes traités n'a pas à définir qui nous allons devenir ou les succès que nous allons rencontrer. Préserver sa dignité et cultiver sa richesse intérieure sont les clés.

Guillaume Cizeron

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