Chapitre 1, Ma vie au Cameroun

Envoyé par Vania, femme camerounaise en prison dans la peau d'un garçon en date du 12 juillet 2021 à 21h14

Le récit qui suit nous a été raconté au cours d’un long échange de courriels débutant en avril 2020 par une demande d’aide envoyée à l’Association des lesbiennes et des gais sur Internet (ALGI), demande prise en charge par le Comité de solidarité internationale (CSI) de l’association.

Sous le nom de plume Vania, notre correspondante agira comme collaboratrice de l’ALGI témoignant de la réalité très difficile des transgenres en Afrique.

La mise en forme de ce récit se limite à une correction linguistique et à l’élimination de redites entre divers courriels.

Le récit prend deux formes. Il y a d’abord la chronologie de la vie de notre correspondante jusqu’à son arrivé au Maroc. Il y a ensuite une chronique de sa vie de réfugiée au Maroc, telle que relatée dans les courriels qu’elle nous a envoyés. Les noms des personnes ont été modifiés pour protéger l’identité de notre correspondante.

 

Bonjour,

Je m’appelle Vania. Je suis un gay trans âgé de 18 ans. J’ai fui mon pays, le Cameroun, pour me retrouver au Maroc où je vis depuis octobre 2019. Je suis une réfugiée reconnue par le bureau du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) au Maroc. Je me suis toujours sentie femme et j’ai été souvent confondue dans ma jeunesse avec une petite fille jusqu'à ce qu'on découvre. Je souffre émotivement d'être une femme en prison dans la peau d'un garçon.

Je suis partie de mon pays après avoir vécu beaucoup d'événements malheureux à cause de ma sexualité et de mon genre. Voici mon histoire.

Ma vie au Cameroun.

Je perds ma grand-mère en décembre 2012, celle-là qui a toujours prit soin de moi depuis que ma mère m'avait abandonnée chez elle au village à l'âge de 4 mois, car papa (paix à son âme) avait dit qu’il n'était pas le responsable de la grossesse. De 2002 à 2012, je vivais au village avec grand-mère qui vendait les bâton de manioc et la récolte du champ pour m'élever.

Je suis pygmée de l'est du Cameroun et, quand grand mère est morte le 25 décembre 2012, une cousine m'a ramenée en ville disant qu'elle va me mettre à l'école, car j'ai arrêté au cm2 (5e année). Elle et son mari ont passé leur temps à me taper et à me maltraiter car j'étais vue comme un garçon efféminé. Ma cousine vendait de la nourriture le soir dans un bar à Akwa et moi j'étais là pour le ménage et pour vendre ses jus de fruit.

Un jour son mari m'a surprise avec le fils de la voisine. On jouait à papa et maman et il a commencé à me faire le chantage. Le soir, quand elle partait vendre, il mettait un film porno et il me disait de sucer son sexe, sinon il menaçait de dire à la mère du garçon de la voisine, qui était une policière, que j'avais rendu son fils gay... Ça a duré des semaines et un jour il a commencé à me sodomiser. Un jour que j'étais malade, j'ai refusé il m'a frappée. Et quand ma cousine est rentrée, il a dit que j'avais volé son argent : 10000fr. Ils m'ont tapée nue et m’ont mise dehors. J'ai dormi devant la porte d'une boutique et il y avait une famille musulmane qui m'a ramenée chez elle. Leur maman a dit qu’elle ne voulait pas me voir là car être pédé c'est une malchance et une malédiction. Le lendemain, ils m'ont ramenée à la maison et le mari de cette cousine a refusé que j'entre encore chez lui.

Après les supplications, il a accepté, et a recommencé à me faire ce qu'il me faisait... En mars 2017 ma cousine est morte suite à un accouchement difficile. Après, il a fait venir sa petite sœur qui me traumatisait avec la bastonnade à la maison. Ils avaient des mots comme « si ta grand-mère encourageait les pédés, nous on va te tuer et nous libérer de toi ». Un autre soir j'ai refusé de céder à son chantage. Quand sa sœur est revenue il a dit que j'avais volé son argent ils m'ont frappée nue devant les gens avant de me mettre à la porte.

C'est toujours les musulmans qui m’ont ramenée chez eux parce que j'étais allée me coucher devant la boutique d'un sénégalais. Leur mère s'est opposée et ils ont supplier. Elle a dit que je ne dois pas dormir dans sa maison. Je dormais donc avec les garçons dans la dépendance derrière... Je dormais avec l’un de leur fils, Ismaël, qui était gay, mais eux, ils ne le savaient pas. On a commencé à flirter ensemble. Après plusieurs semaines le mari de feu ma cousine vient dire au frère d’Ismaël de nous surveiller, car je suis pédé et je lui touchais le sexe à la maison quand il dormait. C’est comme ça que, vers la fin de l'année de 2017, alors qu’on pensait que tout le monde était à la mosquée et que ses sœurs regardaient la télévision dans la grande maison, Ismaël est rentré et il a trouvé que j’avais de la fièvre. Je ne me sentais pas bien. Il s'est couché derrière moi pour me consoler. J'ai jamais oublié ses mots : « Bébé, tu ne vas pas bien ? »

Je suis rentrée de l'école. Son frère, qui était derrière la porte, est rentré avec un tuyaux de gaz ou une courroie. Et s'est mit à nous taper. En appelant leur mère « dada warlé », c'est à dire maman vient, maman vient. Ismaël a fui et il m'a laissé là. On m'a attachée et tapée. Les gens disaient qu’on fende mon anus avec la lame. Je porte encore les cicatrices de ce jour sur mon dos. Certains voisins ont appelé la police qui est arrivée et on m'a d'abord emmenée à un centre de santé pendant que la famille partait porter plainte.

Là-bas, le policier m'a dit « Mon ptit tu sais qu’être pédé c'est un crime ici au Cameroun, donc tu vas aller en prison même si tu es ptit » . L'infirmière a eu pitié de moi et a dit au policier de me demander ce qui s'était passé. Je leur ai raconté ma vie jusqu’à ce jour et ils ont eu de la peine. On m'a prescrit des examens à faire et on a donné une ordonnance. L'infirmière et le jeune policier sont sortis et ils sont revenus quelques minutes après. La dame ma donné un anti-inflammatoire, le doliprane, et le policier m'a dit qu’il va m'aider à fuir, car la famille va en finir avec moi si je pars au commissariat. Il m'a accompagné à 23h30 à Yassa, à la sortie de la ville de Douala. Il m'a mise dans un car pour Yaoundé et m'a souhaité « bonne chance mon petit va dans ton village et ne reviens plus ici… »

Arrivée à Yaoudé, vers 3h30 à Mvan, avec le visage enflé et tout, je suis allée vers une maman qui vendait le poisson braisé. Elle m'a chassée croyant que je suis un petit voleur qu’on a tapé … J'ai marché un bon moment et je me suis retrouvée à Mvog Ada, quartier pas très loin de là ou j'ai dormi 3 jours dans une maison abandonnée en chantier. C'est les voyous qui venaient fumer le chanvre qui m’ont trouvé là et m’ont tout pris et chassée…

Après 3 jours j'allais un peu mieux et j'ai commencé à me débrouiller à nettoyer les tables des bars et laver les assiettes dans les petits cafés-restaurants. Le soir, je dormais devant. Un soir vers la fin février 2018, si j'ai bonne mémoire, j'ai rencontré un couple gay qui buvait souvent là. Ils m'ont posé des questions, m'ayant remarquée. C'est comme ça qu’ils m’ont ramenée chez eux. Quelques mois après, le Monsieur est rentré soul et voulait me violer. J'ai refusé. Il m'a tapée. Quand son passif est rentré, il lui a dit que je voulais qu'il me fasse l'amour et son passif a commencé à me brutaliser. J'ai commencé à me défendre et les voisins ont appelé la police qu'il y a les pédés qui bagarrent ici. La police est venue nous prendre. Ils étaient 4 dans le car et on a roulé jusqu’à un bosquet. Ils ont demandé qu’on donne 50000 par personne, sinon on nous amène au poste de police et c'est la prison directe. Déjà, ils nous insultaient en cour de route : « Vous êtes pédés car vous avez des piercing et des mèches sur la tête. On va bien vous fesser au commissariat ». L’un a demandé nos cartes. Moi je n'avais pas encore de carte, et je n'arrêtais pas de pleurer…

Au bosquet là, ils ont demandé l'argent et le gay avait 20000fr. Il a donné et ils ont dit qu’on doit sucer leur sexe. J'ai commencé à supplier en pleurant (ce bosquet est situé entre Hawaï escalier et carrefour de la mort; à partir de 21h. les voitures ne passent plus là-bas). Ils nous ont chassés quand on a refusé et nous sommes rentrés à pied. Le couple m'a mise à la porte et c'est comme ça que j'ai décidé de rentrer dans mon village.

Arrivée au village, une amie de grand-mère, paix à son âme, a dit que je suis trop petite pour vivre seule. Elle m'a dit de venir vivre chez elle. J'ai vécu là-bas jusqu’au mois de février 2019, mais c'était un calvaire. Ses enfants me détestaient et me tapaient. Je partais au champ 3 fois la semaine et, le reste de jour, je partais en ville me débrouiller dans les bars comme d'habitude... Un jour, étant fatiguée, j'ai entendu les enfants dire qu’ils doivent me faire partir car je souille leur maison et on parle mal deux. Et l'un a dit que sinon, à Pâque, on ne va pas me trouver en vie. Quand leur mère est rentrée, j'ai dit ce que j'ai entendu et ça m'a apporté des sérieux problèmes. Ils m'ont tapée jusqu’à ce qu’un me blesse sur les deux derniers doigts de ma main gauche. Le chef du village et les gens sont venus et on a demandé de me faire partir, car les pédés, c'est une malédiction : « nos ancêtres ne connaissent pas ça et, si elle me garde, elle va être bannie ou même tuée avec moi. La dame m’a remis 20000fr, toute triste, et a demandé que je parte loin de là. C'est comme ça que j'ai fui mon village pour aller à Garoua où j'ai rencontré le gay qui m'a emmené au Nigéria…

(à suivre)

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