Au lieu de traiter A.F. comme une victime nécessitant un soutien, la police l’a arrêté et soumis à un examen anal forcé dans un hôpital local. Ces « examens » sans la moindre base scientifique et invasifs, pendant lesquels des médecins pénètrent une victime à l’aide d’un doigt ou d’un objet pour déterminer si elle a eu des relations sexuelles par voie anale, constituent une violation du droit international et peuvent être traumatisants pour quiconque les subit, d’autant plus si la personne concernée a été victime d’un viol. Badr Baabou, président de Damj, une organisation de défense des droits humains fournissant à A.F. un soutien juridique, a déclaré que les résultats de l’examen étaient « négatifs » et que, malgré les recherches effectuées sur son téléphone et les réseaux sociaux, les procureurs n’avaient aucune preuve à charge contre A.F.

Mais il a été néanmoins poursuivi en justice.

Le 11 février, le tribunal de première instance de Sfax décidera si A.F. est coupable de relations sexuelles entre personnes de même sexe en vertu de l’article 230 du code pénal, qui prévoit une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Pendant ce temps, a rappelé Baabou, les violeurs de A.F., eux, sont toujours en liberté.

L’article 230, dont les termes violent les droits à la vie privée et à la non-discrimination, est également à l’origine d’autres violations. Les recherches menées par Human Rights Watch sur les arrestations pour comportement homosexuel présumé en Tunisie ont révélé que la police perquisitionne des domiciles en l’absence de mandat, fouille des téléphones et extorque des aveux.

Elle ordonne également des examens anaux forcés, malgré l’engagement pris par la Tunisie, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, à ne plus y recourir. Les autorités prétendent parfois que les victimes « consentent » à de tels examens. Mais le consentement d’un détenu à un examen aussi abusif, lorsque son refus peut être interprété comme l’indication d’une culpabilité, n’a qu’une valeur très limitée.

La Tunisie devrait respecter son engagement en faveur des droits humains et cesser de soumettre ses citoyens à de telles brutalités. La Commission tunisienne chargée des libertés individuelles et de l’égalité a appelé à l’abrogation de l’article 230 et à l’interdiction des examens anaux forcés. Le président Béji Caïd Essebsi, qui a gardé jusqu’à présent le silence sur cette question, devrait défendre les victimes d’agression sexuelle comme A.F. et le droit à la vie privée de tous les Tunisiens.