Sénégal: Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt et homophobie

Envoyé par ALGI en date du 15 novembre 2021 à 18h53

Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021.

Le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr est devenu à 31 ans le premier écrivain d’Afrique subsaharienne à remporter le prestigieux prixGoncourt pour son roman La plus secrète mémoire des hommes.

Comme en fait foi la revue de presse publiée sur le site du journal de Dakar senego.com, La Presse s’encre en hommage pour Mohamed Mbougar Sarr (Mangoné KA, 2021/11-04). Et pourtant...

L'écrivain ne fait pas l'unanimité dans son pays en raison du regard cru posé par son précédent livre sur l'homophobie qui y sévit, ainsi que pour sa critique de l'influence religieuse sur la politique sénégalaise.

La communion nationale a laissé place à une vague homophobe.

(...) Une volte-face mise sur le compte du précédent livre de Mohamed Mbougar Sarr, De purs hommes (Philippe Rey, 2018). Parfois confondu par les internautes avec l'ouvrage primé cette année par l'académie Goncourt, le livre raconte l'histoire d'un professeur de lettres confronté à la violence ordinaire de l'homophobie, rampante au Sénégal. Un entretien accordé par l'écrivain au journal Le Monde , en 2018, est également sous le feu des critiques. «Un bon homosexuel au Sénégal est soit un homosexuel qui se cache, soit un amuseur public, soit un homosexuel mort, y avait déclaré l'auteur, avant de se désoler de l'abandon politique vis-à-vis des communautés LGBT du pays, depuis plus d'une dizaine d'années. Malheureusement, le pouvoir religieux a une emprise très forte sur les esprits. Même les hommes politiques ou les universitaires doivent avant tout faire allégeance au pouvoir religieux.»

(...) Désignés sous le terme péjoratif wolof de góor-jigéen (pour «homme-femme»), les homosexuels sont fortement réprimés au Sénégal, où tout acte «impudique ou contre nature» entre personnes du même sexe est interdit par le Code pénal. «Les homosexuels sont considérés comme des animaux qui n'ont pas le droit de vivre, qui n'ont pas le droit d'être dans la société sénégalaise. Ce sont des personnes à abattre», avait témoigné en mai dernier, pour Franceinfo, Djamil Bangoura, le président de l'association Prudence, consacrée à la défense des droits des personnes LGBT. «Au Sénégal, l'homosexualité n'est pas un débat. Les gens sont contre et c'est tout, a renchéri pour Têtu , à propos des critiques visant Mohamed Mbougar Sarr, un homosexuel persécuté qui a fini par quitter le Sénégal. Le simple fait d'aborder le sujet y est choquant, on le voit à travers cette polémique».
(lefigaro.fr, 2021/11-07)

On peut aussi lire sur senego.com.

Ce nouvel opus est un long voyage à travers le temps et l’espace qui permet à Mbougar Sarr d’évoquer plusieurs générations d’auteurs issus de différents continents : la sienne, celle d’aujourd’hui, mais aussi celle des premiers auteurs francophones venus d’Afrique (ou des Antilles), les René Maran, Léopold Sédar Senghor et autres, ou de leurs successeurs plus ou moins critiques à l’égard du mouvement de la négritude.

Avec aisance, et surtout avec grâce, Sarr navigue entre les grands textes de la littérature occidentale et les mondes souvent jugés irrationnels des “légendes” africaines. Sans forcer le trait, sans jouer le jeu d’un exotisme racoleur.

Mais voilà que quelques heures après, beaucoup de personnes qui s’étaient empressées de féliciter le jeune prodige qui a remporté le prestigieux prix littéraire, ont décidé de retirer leurs félicitations parce que, selon eux, le jeune écrivain a fait “l’apologie à l’homosexualité dans ce livre “De Purs hommes”.

Ici, un extrait de son livre “De purs hommes”, et parmi d’autres à l’origine de cette frustration

“Ce n’est pas parce qu’ils ont une famille, des sentiments, des peines, des professions, bref, une vie normale avec son lot de petites joies et de petites misères, que les homosexuels sont des hommes comme les autres. C’est parce qu’ils sont aussi seuls, aussi fragiles, aussi dérisoires que tous les hommes devant la fatalité de la violence humaine qu’ils sont des hommes comme les autres. Ce sont de purs hommes parce que à n’importe quel moment la bêtise humaine peut les tuer, les soumettre à la violence en s’abritant sous un des nombreux masques dévoyés qu’elle utilise pour s’exprimer : culture, religion, pouvoir, richesse, gloire…”

Voir aussi Vainqueur du Prix Goncourt, la position étonnante de Mohamed Mbougar Sarr sur l’homosexualité au Sénégal sur senenews.com

On pourra récouter Le Góor-jigéen, 4 balados sur l'homosexualité au Sénégal et en Afrique, dont nous avons parlé sur ce forum en février dernier (https://algi.qc.ca/forum/quotidien/messages/10163.html). Dans le quatrième balado, Le Góor-jigéen au Senegal : la colonisation sexuelle.
En voici le résumé.

Quelles sont les origines de l'homophobie en Afrique ? D'où viennent les lois qui punissent les relations homosexuelles ? Au cours de cette conversation, nos invités réfléchissent au colonialisme et à son impact sur la diversité sexuelle au Sénégal.

En France, Marame Kane est sortie du placard dans la trentaine où elle a commencé à militer pour les droits des LGBTIQ. Mohamed Mbougar Sarr, écrivain, est l’auteur d’un livre de fiction controversé, "De Purs Hommes", sur la mort d'un homosexuel à Dakar.

Dans cet épisode, ils échangeront sur l'éducation sexuelle, le colonialisme, la lutte sénégalaise et l'un des épisodes les plus controversés de l'histoire récente du Sénégal : le « sac à main » de la star Wally Seck.

 

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