Argumentaire pour le mariage civil




EGALE CANADA




ARGUMENTAIRE SUR LE DROIT AU MARIAGE DES CONJOINTS ET DES CONJOINTES DE MÊME SEXE




Auteur
Claude Côté
Membre du conseil d’administration
Représentant du Québec
claude@egale.ca




Février 2005




Egale Canada
310-396, rue Cooper
Ottawa (Ontario) K2P 2H7
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TABLE DES MATIÈRES




INTRODUCTION


A. DROITS DE LA PERSONNE


B. CROYANCES RELIGIEUSES


C. L’INSTITUTION DU MARIAGE


D. NATURE, ‘NORMALITÉ’ ET TRADITION


E. LA FAMILLE


F. LES ALTERNATIVES AU MARIAGE


CONCLUSION


Le Mariage et les Églises : Quel est le véritable discours?

Par Nicole Hamel


ANNEXE I
Projet de loi C-38 concernant certaines conditions de fond du mariage civil


ANNEXE II
Notes explicatives sur le projet de loi C-38





INTRODUCTION

Le 1er février 2005, le gouvernement fédéral de Paul Martin a déposé à la Chambre des Communes un projet de loi définissant le mariage comme "l'union légitime de deux personnes à l'exclusion de toute autre" (voir le texte du projet de loi et des notes explicatives en annexe de ce document). L'adoption du projet de loi C-38, qui s'intitule Loi concernant les conditions de fond du mariage civil, est le dernier obstacle à franchir pour que les personnes gaies et lesbiennes atteignent l'égalité juridique pleine et entière dans toutes les provinces et territoires du Canada. Lors de l'adoption de la Loi québécoise instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation à l'Assemblée Nationale du Québec en juin 2002, le vote des parlementaires fut unanime. Nous espérons une telle unanimité des députés fédéraux québécois lors du vote à la Chambre des Communes dans les mois qui viennent. Chacun et chacune d'entre nous doit donc convaincre son député ou sa députée de nous accorder son appui, si cet appui ne nous ait pas déjà acquis. L'argumentaire qui suit reprend chacun des arguments de ceux et celles qui s'opposent au mariage des couples de même sexe et tente d'y répondre. Nous espérons que vous pourrez vous en inspirer pour convaincre non seulement votre député mais aussi vos collègues, vos amis et vos proches. À ce titre, veuillez visiter le site internet des Canadiens et des Canadiennes pour le droit égal au mariage : www.mariageegal.ca


A. DROITS DE LA PERSONNE

Argument

La loi actuelle définissant le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme à l’exclusion de toute autre personne ne viole pas les droits de la personne des personnes homosexuelles.

Réponse
Faux. Onze cours de justice au Canada (y compris la cour supérieure et la cour d’appel du Québec) ont statué que d’interdire le mariage aux couples de même sexe violait la protection offerte aux minorités dans l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, telle qu’enchâssée dans la constitution canadienne. En janvier 2005, la Cour Suprême a rendu un jugement unanime déclarant conforme à la constitution canadienne et donc légal le projet de loi du gouvernement Martin permettant le mariage de couples de même sexe.

De plus, la pratique actuelle de réserver le mariage aux couples de sexe différent (il s’agit bien d’une pratique et non pas d’une loi ou d’un article de la constitution) viole la Charte québécoise des droits de la personne qui mentionne l’orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination. Cette pratique est donc clairement anticonstitutionnelle. La seule façon de la rendre légale serait pour le Parlement du Canada d’invoquer l’article 33 de la Charte, la fameuse clause dérogatoire, et de suspendre les droits qui y sont reconnus.

Argument
Les gais et les lesbiennes ont déjà tous les droits dont ils ont besoin.


Réponse
Faux. Il est vrai qu’au Québec, la Loi 84 sur l’union civile et les nouvelles règles de filiation, adoptée à l’unanimité de l’Assemblée Nationale le 7 juin 2002, et la Loi 32 donnant aux conjoints de fait de même sexe les mêmes droits administratifs et fiscaux que les conjoints de fait hétérosexuels ont donné l’égalité juridique aux couples de même sexe en ce qui concerne l’état québécois. La Loi C-23 a pour sa part étendu certains droits et certaines responsabilités du mariage aux conjoints de fait, qu’ils soient de même sexe ou de sexe différent, à travers le Canada. Cependant, ces couples, vivant en union de fait ou en union civile, ne bénéficiaient pas, avant mars 2004, de tous les droits et avantages que confère le gouvernement fédéral aux gens mariés (possibilité pour des époux de ne pas témoigner en cours criminelle l'un contre l'autre, par exemple). De plus, si un couple québécois déménage à l’extérieur du Québec, il perd tous ces droits ou une partie de ces droits dépendant de la province canadienne dans laquelle il décide de s’établir ou du pays dans lequel il émigre.

Mais plus qu'une question de droit, l’accès au mariage pour les couples de même sexe est fondamentalement une question d'égalité. Les relations amoureuses des gais et lesbiennes qui sont prêts à s'engager dans l'institution du mariage sont aussi riches, sincères, stables et valables que celles des couples hétérosexuels et elles doivent recevoir la même reconnaissance sociale et étatique.

Argument
La Charte canadienne des droits et libertés prévoit justement à son article premier que des droits peuvent être enlevés à un groupe dans une société libre et démocratique. Il est donc justifié d'invoquer la clause dérogatoire pour empêcher une redéfinition du mariage.

Réponse
L’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés permet au Parlement ou à une assemblée législative provinciale d'adopter une loi dérogeant à l'article 2 et aux articles 7 à 15 de la Charte. L’article 15 prévoit que « la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. » Les cours de justice canadienne, y compris la Cour Suprême du Canada, ont interprété le mot ‘sexe’, dans ce contexte, comme incluant l’orientation sexuelle. Toute dérogation à un article de la Charte doit être prévue dans une loi et non dans un texte réglementaire, comme un règlement d'application, et elle doit être expresse et non implicite. Dans le cas du mariage, l'adoption de la clause dérogatoire signifierait que les garanties d’égalité enchâssées dans la Charte des droits, dont celles prévues à l’article 15, ne pourraient être utilisées pour invalider une loi qui définirait le mariage comme étant exclusivement l'union d'un homme et d'une femme à l'exclusion de tout autre personne, si cette loi était valide en d’autres circonstances.

La Chambre des Communes et le Sénat n'ont jamais invoqué cette clause généralement honnie pour enlever ou restreindre des droits à qui que ce soit. Cette clause n'a été utilisée qu'en de rares occasions par quelques provinces. Le gouvernement de Robert Bourassa l'a utilisée pour immuniser sa loi sur la langue d'affichage contre tout recours juridique en attendant l’adoption d’un compromis satisfaisant le jugement de la Cour Suprême invalidant certaines dispositions de la Loi 101. Un ministre Libéral de l'époque, Clifford Lincoln, avait démissionné avec fracas contre l'utilisation de cette clause en disant "rights, are rights are rights." Lors du débat, en septembre 2003, sur une motion de l’Alliance canadienne (aujourd’hui le Parti Conservateur) définissant le mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme à l'exclusion de tout autre, ce ministre, devenu député Libéral fédéral, a proposé d'utiliser la clause dérogatoire pour restreindre les droits des gais et lesbiennes qui veulent se marier. Il y a donc un double discours de la part de certains qui ne veulent y recourir que lorsque cela fait leur affaire.

Il est à noter que seul le Parlement canadien peut invoquer la clause dérogatoire pour empêcher le mariage de couples de même sexe. La législature albertaine a adopté une loi en 2000 visant à restreindre l’accès au mariage aux couples de sexe différent. Son préambule stipule qu’elle cherche à maintenir la « pureté » du mariage. Cette loi invoque la clause dérogatoire dans une tentative d’empêcher tout examen judiciaire. Cependant, la constitution canadienne ne permet pas à un gouvernement, fédéral ou provincial d’adopter une loi qui ne relève pas de ses prérogatives constitutionnelles. Les experts s’entendent pour dire qu’un gouvernement ne peut non plus invoquer l’article 33 de la Charte dans une loi qui ne relève pas de sa compétence. La loi albertaine est donc très certainement non opérante puisque le gouvernement fédéral a seule juridiction pour déterminer qui peut se marier ou non. Cette question a d’ailleurs été référée à la Cour Suprême dans le cadre du renvoi sur la constitutionnalité et la validité de l’avant-projet de loi sur le mariage des couples de même sexe et la Cour a confirmé cette interprétation.

Argument
Les juges ne sont pas élus. Ils n’ont donc pas la légitimité démocratique nécessaire pour imposer des changements de cette taille. Nous ne voulons pas un gouvernement de juges.

Réponse
Les tribunaux n’ont pas inventé la Charte. Celle-ci a été approuvée par le Parlement du Canada et enchâssée dans la constitution canadienne en 1982. Les tribunaux ne font qu’appliquer la lettre et l’esprit de la Charte. Si les députés veulent circonvenir à la Charte, ils ont la possibilité d’invoquer la clause dérogatoire et d’ainsi nier les droits des gais et lesbiennes du Canada. Cependant, il est difficile de comprendre pourquoi ils poseraient un geste si draconien, surtout que le respect de nos droits n’enlève rien à qui que ce soit.


B. CROYANCES RELIGIEUSES

Argument

Les membres du clergé seraient forcés de célébrer des mariages entre conjoints de même sexe si le projet de loi du gouvernement fédéral était adopté. Cela va à l'encontre de la liberté de religion protégée par la Charte des droits et libertés.

Réponse
Faux. Voici ce que dit le projet de loi C-38 sur les conditions de fond du mariage civil dit à cet égard;

Dans le préambule:
Attendu:

que chacun jouit de la liberté de conscience et de religion au titre de l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés;

que la présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte à la garantie dont fait l’objet cette liberté, en particulier celle qui permet aux membres des groupes religieux d’avoir et d’exprimer les convictions religieuses de leur choix, et aux autorités religieuses de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs convictions religieuses;

Dans le texte de Loi lui-même:

Article 3: Il est entendu que les autorités religieuses sont libres de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs convictions religieuses.

Le préambule et l’article 3 du projet de loi offrent une protection additionnelle à la liberté de religion puisque la Charte des droits et libertés la protège déjà. Les couples de même sexe sont libres de choisir s’ils souhaitent se marier ou non et les ministres du culte sont libres de choisir de célébrer ces mariages.

Les Églises exercent déjà leur droit de marier certaines personnes. Par exemple, l’Église catholique refuse de marier des personnes divorcées ou qui ne sont pas catholiques. Pourquoi les Églises seraient-elles obligées de marier un couple gai si elles ne sont pas tenues de marier un couple protestant ou juif?

Par ailleurs, plusieurs Églises comme l’Église Unie du Canada, qui comptent un million de fidèles, l’Église Unitarienne Universelle et la L'Église communautaire métropolitaine (Metropolitan Community Church) célèbrent déjà des mariages civils et religieux de couples de même sexe. Les membres de ces Églises ne peuvent cependant pas se marier civilement à l’Église en Alberta, au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard et dans les Territoires du Nord-Ouest où le mariage civil des couples de même sexe est toujours illégal.

Enfin, Au 19e siècle, l'Église catholique eut de très fortes réactions contre la sécularisation du droit du mariage, et donc l’introduction du mariage civil. Les encycliques Humanum genus de 1884 de Pie X et l'encyclique Casti connubi de 1930 de Pie XI le condamnent solennellement. Et pourtant, aujourd’hui, non seulement le mariage civil est-il reconnu par l’Église Catholique, mais les prêtres sont également reconnus comme des officiers de l’état civil et célèbrent des mariage civils en même temps que mariages religieux.

Argument
Je suis peut-être député(e) fédéral(e) mais je suis aussi un(e) catholique pratiquant et ma religion rejette le mariage des couples de même sexe. Je dois donc agir selon ma conscience dans ce dossier et peut-être ignorer la volonté de mes commettants.

Réponse
Il existe une séparation de l’Église et de l’État au Canada. Celui-ci n’est pas une théocratie. Le rôle des député(e)s est de légiférer pour le bien-être de tous, pas de soumettre les lois de l’État à des préceptes religieux qui ne sont, de surcroît, pas suivis par tous. Il faut bien souligner par ailleurs que le mariage, tel que sanctionné par l’état, est une institution civile et non pas religieuse, et ce même si une cérémonie religieuse peut, pour certains, servir de porte d’entrée à cette institution civile. Il faut d’ailleurs noter que le divorce est lui aussi une institution civile. Lorsque les époux signent un registre à l’église à la fin de la célébration, ils signent un registre civil reconnu par l’état qui n’a rien de religieux. D’ailleurs, le mariage religieux n’est tout simplement pas reconnu par l’état et aucun droit et privilège n’en découle en dehors de l’Église. Les prêtres ou les pasteurs reçoivent la permission des provinces de célébrer les mariages civils en même temps que les mariages religieux, un point c’est tout.

De plus, selon la doctrine catholique, tout acte sexuel en dehors du mariage est un péché. L’Église force donc les couples homosexuels croyants et pratiquants à vivre dans le péché, d’autant plus que l’Église admet que l’homosexualité ne peut généralement pas être changée. L’Église demande le célibat à ses prêtres, mais ceux-ci le choisissent librement et choisissent tout aussi librement de consacrer leur vie à l’Église. Pourquoi les homosexuel(le)s qui n’ont pas fait ce libre choix seraient-ils forcés à vivre le célibat toute leur vie?

Enfin, rappelons que les Évangiles qui transmettent la parole de Jésus de Nazareth ne font aucunement mention de l'homosexualité. Ces Évangiles nous disent d'aimer notre prochain comme soi-même, pas de l'aimer à condition qu'il soit semblable à nous. D’ailleurs, Jésus n’a-t-il pas non seulement fréquenté mais accueilli inconditionnellement les marginaux de son temps? La plupart des références bibliques à ce sujet proviennent de l’Ancien Testament, et plus particulièrement du Lévitique, où Yahvé parlant à Moïse, la décrit comme une « abomination ». Ce même Lévitique dit également que porter des vêtements de tissus différents (Lev 19, 19) ou manger des fruits de mer (Lev 11, 10-12) est une abomination et que ceux et celles qui se rendent coupables d’adultère doivent être mis à mort (Lev, 20, 10-12). C’est ce même Lévitique qui permet d’avoir des esclaves mâles et femelles, qui pourront être donnés en héritage à nos descendants, à condition qu’ils soient achetés dans les pays aux alentours ou à des étrangers qui vivent parmi nous (Lev 25, 44-46). Enfin, c’est de ce même Lévitique que l’on retrouve le fameux « oeil pour oeil, dent pour dent » (Lev, 24-20). Ceux qui s’opposent à l’homosexualité au nom de la Bible font donc une lecture très sélective de celle-ci.


C. L’INSTITUTION DU MARIAGE

Argument

Le Canada serait seulement le troisième pays au monde, après la Belgique et les Pays-Bas, à légaliser les mariages des couples de même sexe. Presque aucun autre pays ne s'est engagé dans cette voie. De plus, ces mariages ne seraient à peu près jamais reconnus à l'étranger.

Réponse
Les Canadiennes ont obtenu le droit de vote en 1916 au niveau fédéral, tandis que les Françaises ne l'ont obtenu qu'en 1944. On invoquait sans doute ce genre d'argument à l'époque pour empêcher d'accorder ce droit fondamental à la moitié de la population canadienne. Le Canada a la chance d'être un chef de file en matière des droits de la personne dans ce domaine. Si la reconnaissance internationale n'est peut-être pas pour demain, elle viendra assurément au fur et à mesure que les mentalités changeront dans divers pays. Aux Etats-Unis, le mariage est maintenant légal au Massachusetts et plusieurs municipalités à travers les États-Unis ont permis le mariage de couples de même sexe, bien que ces mariages aient été annulés par la suite par des cours de justice. Le 4 février 2005, une juge de la Cour Suprême de New York a statué que la constitution de l’état garantissait des droits fondamentaux aux personnes gaies et lesbiennes et que ces droits étaient violés lorsqu’elles sont frappées d’une interdiction de se marier. Elle a donc ordonné qu’elles aient également accès au mariage. Enfin, l’Espagne s'apprête à légaliser le mariage des couples de même sexe en 2005.

Argument
Plusieurs homosexuels ne veulent même pas du mariage. Ils disent avoir réinventé la notion de couple et ne veulent pas participer à une institution hétérosexuelle qui ne leur ressemble pas.

Réponse
Il ne faut pas confondre le désir de se marier avec le droit de se marier et le statut égal que nous demandons au sein de la société. Il n'est pas question de forcer quiconque à se marier mais ceux qui le désirent devraient pouvoir le faire. En demandant l'égalité et notre participation pleine et entière à l'institution du mariage, nous désirons non seulement les bénéfices qu'elle engendre, mais nous sommes également prêts à remplir et à respecter les obligations qu'elle impose. Par exemple, pour des couples dits "ouverts", l'obligation de fidélité dans le mariage ne leur convient pas. Le mariage n'est donc pas pour eux mais pour ceux et celles qui désirent s'engager en toute fidélité jusqu'à ce que la mort les sépare. La liberté qu'offre l'état civil de conjoints de fait permet ainsi aux couples de mener leur vie comme bon leur semble sans contrainte, si tel est leur choix.

Argument
Le mariage est passé de mode. Les hétérosexuels croient de moins en moins en l’institution et habitent de plus en plus en union libre. Le mariage est en fait une institution désuète qui n’a même plus le respect des hétérosexuels. À preuve, le haut taux de divorces (un sur deux) est une indication que l’institution n’est plus prise au sérieux. Dans ces circonstances, pourquoi les gais et les lesbiennes voudraient-ils se marier? D’ailleurs, plusieurs sont contre le mariage.

Réponse
Les raisons qui inspirent certains couples de même sexe à vouloir se marier sont les mêmes que celles qui inspirent certains couples hétérosexuels à vouloir le faire. Tout le monde sait ce qu’est un mariage : un grand amour, un engagement, la fidélité, le partage, une affirmation de cet engagement devant la société et une reconnaissance officielle de cet engagement par la société et l’État. Le mariage est aussi entouré de tout un cérémonial qui fait partie de notre culture et, pour certain(e)s, d’un rêve qui remonte à l’enfance.

La décision de se marier ou pas est une décision strictement personnelle entre deux individus qui s’aiment. Plusieurs, il est vrai, ne veulent pas se marier pour diverses raisons, mais d’autres le veulent. Présentement, les gais et les lesbiennes réclament que le Parlement canadien leur donne le choix de se marier ou de ne pas se marier, un choix qui leur ait encore nié dans certaines parties du Canada. Il s’agit donc d’une question d’égalité, de respect, de dignité et de droit de la personne. Nous sommes des citoyens à part entière et nous ne voulons pas être traités comme des citoyens de seconde zone.


D. NATURE, ‘NORMALITÉ’ ET TRADITION

Argument

Le mariage est, dans l’ordre normal des choses, l’union d’un homme et d’une femme.

Réponse
Si on veut dire par « anormal » ce qui diverge de la norme ou ce qui ne correspond pas ou n’est pas conforme à l'usage général , il est vrai que l’homosexualité ne fait pas partie de la norme puisqu'elle est et sera toujours minoritaire. Mais si on entend le mot « anormal » comme voulant dire « incorrect », et c’est le sens que lui prête souvent le langage courant, alors il est faux de dire que l’homosexualité n’est pas normale. Chaque être humain possède une orientation sexuelle qui, pour lui ou elle, est naturelle. La majorité des gens sont droitiers. Cela veut-il dire que les gauchers sont des gens anormaux? Bien sûr que non! La norme cherche à standardiser et à régir en absolu des modèles de comportement. La norme ne laisse pas de place à l'originalité, à la différence et à d'autres façons de penser. Heureusement, la norme évolue toujours avec le temps. Ce qui est normal à une époque (les femmes au foyer sans droit de vote, par exemple) ne l'est pas nécessairement à une autre.

Argument
La complémentarité des sexes est une condition indispensable à l’union amoureuse de deux personnes. Les unions homosexuelles sont fondamentalement différentes des unions hétérosexuelles et ne méritent pas qu’on les reconnaisse comme étant identiques ou même équivalentes.


Réponse
Les relations amoureuses des couples de même sexe sont aussi solides, aussi vraies et aussi profondes que celles des couples de sexe différent. Le mariage est une institution par l'entremise de laquelle deux personnes qui s’aiment profondément unissent leur destinée et s’engagent l’un(e) envers l’autre, devant leurs pairs et la société, à faire vie commune, à se soutenir mutuellement et à se jurer fidélité jusqu’à ce que la mort les sépare. Refuser le mariage aux couples de même sexe revient à dire que leurs relations sont inférieures et qu’elles ne méritent pas la même reconnaissance sociale.

Le mariage, qu’il soit entre couples de sexe différent ou non, favorise la cohésion sociale, la sécurité émotionnelle, la stabilité et l’engagement, notamment en rendant la séparation du couple plus difficile et plus compliquée que dans le cas des unions civiles ou des unions de fait. À ce titre, la philosophie fondamentale derrière le mariage des couples de même sexe est socialement conservatrice.



Argument
Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme depuis la nuit des temps. Il ne faut pas changer les traditions.

Réponse
Faux. Le mariage a beaucoup évolué au cours des siècles. L’empire romain, la Grèce Antique et l’Égypte des pharaons ont célébré des mariages entre deux hommes. Depuis l’Antiquité et même jusqu’au 20e siècle, le mariage a souvent été une façon de faire des alliances entre familles issues de la noblesse et ne requérait pas le consentement des futurs époux qui quelquefois ne s'étaient même jamais rencontrés avant la cérémonie. Au début de la chrétienté, le mariage était découragé et la virginité monastique ou religieuse était beaucoup plus considérée. Le mariage, tel que nous le connaissons aujourd’hui, date de 1545, année du Concile de Trente. L’institution religieuse avait alors pour but de favoriser la famille, de mettre fin au concubinage et de favoriser la création d’une cellule familiale jusque-là inexistante. On se mariait également pour des raisons matérielles puisque la famille de la future épouse devait verser une dot au futur époux.

Les notions de ‘couple’, ‘d'égalité des sexes’ et ‘d’amour filial’, l'importance de l'amour dans le mariage, et la valorisation des enfants et de la famille sont aujourd'hui associées au mariage, mais demeurent tout de même relativement récents. Pothier, un professeur de droit célèbre en France au XVIIIe siècle, écrivait qu’il était normal que l'adultère de la femme soit puni, puisque, dit-il, la femme est inférieure, et qu’il était tout aussi normal que celui de l'homme ne le soit pas de la même manière. Il refuse également la séparation de corps même lorsque la femme est soumise à la violence de son mari, c'est une croix que Dieu lui envoie pour expier ses péchés, écrivait-il. Il y a moins d’un siècle, les femmes n’étaient même pas des personnes au Canada. Elles devaient être soumises à leur mari et même lorsqu’elles eurent obtenu le droit de vote, on s’attendait à ce qu’elle vote comme lui. C'est dire que le mariage ne cesse d'évoluer.

Argument
Le mariage des couples de même sexe va détruire les fondements même de la société dans laquelle nous vivons.

Réponse
Le mariage religieux, comme le mariage civil d’ailleurs, est déserté par un nombre croissant de couples hétérosexuels qui ne le considère plus, dans les faits, comme l’une des constituantes fondamentales de notre société. Cet argument est aussi foncièrement homophobe puisqu’il naît de la peur qu’ont les hétérosexuels que les personnes gaies et lesbiennes prennent plus de place dans la société et fassent entendre légitimement leurs voix.

Or, l'homosexualité est et restera toujours grandement minoritaire. Depuis le mois de juin 2003, il n'y a que quelques milliers de couples qui se sont mariés au Canada. Ces couples représentent une infime partie de la population canadienne. Les murs du temple du mariage hétérosexuel ne sont pas prêts de s'effondrer…

De plus, il est erroné de faire un lien entre le mariage des couples de même sexe et la baisse de la natalité. En effet, donner accès au mariage aux couples de même sexe favorisera la natalité chez les lesbiennes puisque la sécurité offerte par le mariage les incitera à fonder des familles ou à avoir encore plus d'enfants.

Enfin, si le mariage a si mauvaise presse de nos jours, les gais et les lesbiennes n’y sont strictement pour rien. Lorsque Britney Spears peut se marier et divorcer quelques heures plus tard et qu’Élizabeth Taylor compte huit mariages à son actif, pour ne mentionner que ces deux cas célèbres, on ne s’étonnera pas que l’institution ait perdu beaucoup de son sens et que la société ne compte plus sur elle pour représenter et véhiculer ses valeurs fondamentales.

Argument
L’union de deux hommes ou de deux femmes est contre-nature. On en a pour preuve que deux hommes ou deux femmes ne peuvent avoir d’enfants ensemble. La nature veut donc qu’il y ait complémentarité des sexes.

Réponse
L’homosexualité a toujours existé et existera toujours que cela plaise ou non. Nous savons aujourd’hui qu’elle existe chez d’autres animaux, d’autres mammifères, et d’autres primates que l’homo sapiens. Il y a même des animaux et des végétaux qui peuvent se reproduire seuls. La nature a doté les hommes et les femmes d’une grande capacité d’aimer et le mariage est la manifestation sociale de cet amour qu’une personne porte pour une autre personne, que celle-ci soit du sexe opposé ou du même sexe.

Dans le passé, cet argument a été souvent utilisé pour justifier toute sorte de pratique préjudiciable comme l'interdiction des mariages interraciaux ou du droit des femmes à l’égalité avec les hommes.

À la source de cet argument, comme à celle de beaucoup d’autres, se trouve l’homophobie - soit la peur ou la haine des personnes homosexuelles – laquelle est fondée sur une profonde ignorance de la réalité homosexuelle et l’existence d’une série de mythes entourant cette dernière.

Argument
En permettant aux couples de même sexe de se marier, on porte atteinte au caractère sacré du mariage.

Réponse
Les gais et les lesbiennes respectent profondément la décision de certaines Églises et religions de ne pas marier des couples du même sexe. Nous demandons que le mariage civil nous soit accessible, pas le mariage religieux. Le mariage civil est une institution créée par l'État qui donne droit à certains avantages et impose certaines obligations envers lui et envers la société. En raison de la séparation entre l'Église et de l'État, qui constitue l'un des principaux fondements de notre organisation sociale et politique, le mariage civil est totalement séculier. Par contre, le mariage religieux s'inspire du sacré et relève uniquement des Églises. Lorsqu'un couple se marie à l'Église, ce mariage religieux n'est pas valable aux yeux de l'État à moins qu'il ne soit simultanément accompagné d'un mariage civil, les membres du clergé ayant l'autorité nécessaire pour célébrer les deux. Cela dit, certaines Églises comme l’Église Unie du Canada, qui compte un million de fidèles, l’Église Unitarienne Universelle, ainsi que l’Église communautaire métropolitaine acceptent de célébrer et donc de sacraliser de tels mariages et accueillent à bras ouverts les personnes homosexuelles.

Argument
Avez-vous vraiment besoin d'utiliser le mot "mariage?

Réponse
Le mot "mariage" est crucial. Les groupes de revendications gais et lesbiens québécois ont fortement appuyé l'union civile québécoise parce qu'il était clair que le Québec n'avait pas la compétence constitutionnelle pour accorder le mariage aux couples de même sexe. Le ministre de la justice qui a piloté le projet de loi sur l'union civile à l'époque, Paul Bégin, a déclaré que le gouvernement québécois aurait accordé le mariage aux gais et aux lesbiennes s’il avait eu le pouvoir de le faire. Le Québec est donc allé jusqu'au bout de ses prérogatives constitutionnelles dans ce dossier.

C'est ce qui explique d'ailleurs pourquoi l'opposition à l'union civile des couples de même sexe au Québec a été si timide et sournoise. Très peu de personnes et de groupes ont osé se prononcer contre la création de cette institution même s'ils abhorraient l'homosexualité. Tant que l'on créait une institution conjugale à part et que l'on ne touchait pas à la leur, c'est-à-dire au mariage, la course vers l'égalité des gais et des lesbiennes était acceptable ou du moins tolérée. Mais voilà, en réclamant le mariage, ceux-ci ne veulent pas être considérés à part comme un groupe de seconde zone ou de deuxième classe. Ils veulent s'asseoir à la même table que les hétérosexuels. C'est là que le bât blesse pour certains. L'idée que les gais et les lesbiennes puissent être leurs égaux en tout point insécurise et fait même paniquer des gens qui ne veulent pas partager les privilèges que leur statut majoritaire leur a conféré jusqu'à maintenant. C'est comme s'ils avaient choisi de faire partie de la majorité, comme s'ils avaient travaillé fort pour acquérir leur statut majoritaire, alors que leur orientation sexuelle n'est que le pur fruit du hasard. Même les chances (estimée à 9 contre 1), dans cette loterie de l'orientation sexuelle, sont du côté des hétérosexuels C'est tout dire du mérite qu'ils ont d'être ce qu'ils sont…

Notre société, nos valeurs et la constitution canadienne ne sauraient tolérer que des individus soient considérés comme inférieurs à d’autres devant la loi. Il ne devrait donc pas y avoir de couples qui soient légalement inférieurs aux autres.


E. LA FAMILLE

Argument


Le mariage a pour but la procréation. Étant donné que les couples de même sexe ne peuvent avoir d’enfants, ils ne devraient pas avoir le droit de se marier.



Réponse
Pourquoi imposer le critère de la procréation aux couples de même sexe qui veulent se marier alors que cela n'a jamais été un critère pour les couples hétérosexuels ? Ainsi, nul n’interdit aux couples infertiles et aux personnes âgées de se marier. Annule-t-on le mariage des couples fertiles qui n'ont pas d'enfants ou qui ne veulent pas en avoir au moment où ils atteignent l'âge où ils ne peuvent plus en avoir? On permet même aux personnes transsexuelles de se marier alors que la nature les a fait naître avec un sexe et une identité sexuelle identiques à celle de leur époux ou épouse. La contraception et l'avortement sont même légaux au Canada pour les personnes mariées. On permet également à une femme mariée dont le mari est infertile d'avoir recours à une banque de sperme et donc de porter un enfant qui n'est pas celui de son mari. Enfin, de plus en plus de couples hétérosexuels ont des enfants en dehors du mariage prouvant ainsi que celui-ci est loin d'avoir le monopole sur la procréation.

Il est également faux de dire que les couples de même sexe ne peuvent procréer. Les mères porteuses sont illégales au Québec, mais les lesbiennes peuvent avoir des enfants en ayant recours à une banque de sperme anonyme et à l’insémination artificielle.

La maternité et la paternité ne sont pas que des réalités biologiques. Elles existent avant tout lorsqu'un homme ou une femme élève cet enfant avec amour, peu importe si cet homme ou cette femme partage ce privilège et cette responsabilité avec une personne du même sexe ou du sexe opposé. L'accent doit donc être mis sur la qualité de la relation « parent-enfant », plutôt que sur sa provenance. Toutes les études sérieuses élaborées scientifiquement sur le sujet ont conclu que les enfants élevés par des personnes gaies et lesbiennes avaient autant de chance de se développer de façon saine et équilibrée que les enfants nés dans des familles dites traditionnelles (Voir les recherches et les conclusions de l'American Academy of Pediatrics, du Centre d’orientation sexuelle de l’université McGill ou du Dr Danielle Julien). La Société canadienne de psychologie et l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux ont d’ailleurs appuyé la légalisation du mariage entre conjoints de même sexe et elles ne sont pas les seules.

Argument
Les enfants ont besoin d’un père et d’une mère. Le mariage solidifie la famille et favorise le développement harmonieux des enfants.

Réponse
La famille idéale est probablement celle où l’enfant grandit dans un environnement où il y a de l’amour, où de belles valeurs lui sont enseignées et où il pourra puiser tout le soutien matériel et psychologique dont il aura besoin pour se développer, aller jusqu’au bout de ses possibilités et être heureux. Une famille homoparentale peut offrir à l’enfant un tel environnement aussi bien qu’une famille hétéroparentale. Lors de l’audience parlementaire sur ce qui est devenu par la suite la Loi québécoise instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, des enfants grandissant dans des familles homoparentales sont venus témoigner pour dire qu’ils n'avaient pas souffert de l'homosexualité de leur parent, mais bel et bien des préjugés et de la haine entourant celle-ci. Si leurs parents homosexuels avaient eu légalement la possibilité de se marier, ils auraient été traités comme n’importe quel enfant puisque la loi aurait donné la légitimité nécessaire à la situation conjugale de leurs parents. Le mariage des couples de même sexe contribuera donc fortement à combattre les préjugés et la haine. Des couples de lesbiennes considèrent également que leur mariage pourra offrir une plus grande stabilité émotionnelle aux enfants qu’ils ont conçus à la suite d’un projet parental commun, ces derniers pouvant alors avoir le sentiment qu’ils vivent dans une famille comme les autres. En ce sens, le mariage des couples de même sexe aurait pour effet de renforcer les valeurs familiales à une époque où il y a tant d’enfants qui grandissent avec un seul parent.

De plus, il est important de mentionner que les couples de même sexe peuvent déjà adopter des enfants dans chaque province du Canada, à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard. Il semble étrange que la loi reconnaisse entièrement la relation entre les enfants et chacun de leurs parents, mais pas entre les parents eux-mêmes. Les enfants ont besoin de cette reconnaissance pour ne pas se sentir exclus la cour d’école et pouvoir dire que la relation conjugale de leurs parents est identique à celle d’autres parents.

Pour leur part, plutôt que de se voir dès le départ fermer les portes de cette institution sociale fort importante qu’est le mariage, les jeunes adolescents gais et lesbiens pourront aspirer un jour à se marier comme le feront leurs frères et sœurs hétérosexuels, si cela est une valeur et un objectif qu’ils partagent. Le jour de leurs noces, ils seront accueillis avec la même joie et la même ouverture par leurs parents, leurs familles, les amis et leurs collègues.

Argument
Donner le droit aux gais et aux lesbiennes de se marier ne mènera-t-il pas un jour à la polygamie?

Réponse
Non. Le droit des couples de même sexe de se marier est basé sur la non-discrimination alors que le discours en faveur de la polygamie est fondé sur la liberté de religion. De plus, en pratique, la polygamie correspond habituellement à une situation d’oppression pour les femmes et, par conséquent, elle porte préjudice à l’égalité des femmes. Les mouvements gais et lesbiens du Québec et du Canada ne demandent pas et n’ont jamais demandé que la polygamie soit légalisée au Canada. Nous voulons que nos relations conjugales obtiennent la même reconnaissance juridique et sociale que les relations conjugales hétérosexuelles parce que nous estimons qu’elles sont identiques en tout point. Nous réclamons l’égalité, pas un statut particulier.

Les opposants ont recours à cet argument trompeur parce qu’ils sont à court d’arguments et qu’ils choisissent d’ériger des épouvantails pour faire peur à la population.

Argument
Les gais et les lesbiennes ne vont-ils pas introduire de la promiscuité et l’infidélité dans le mariage?

Réponse
Cet argument, en plus d’être insultant, est basé sur un stéréotype voulant que les gais et les lesbiennes qui sont en couples ont tous des relations extraconjugales et que la fidélité n’est pas une valeur dans le milieu gai et lesbien. Lorsque deux personnes décident de se marier civilement, elles décident en toute connaissance de cause de se jurer support et fidélité devant l’état et devant leurs proches. Le mariage n’est pas pour ceux et celles qui ne sont pas prêts à prendre cet engagement, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Il se peut que certaines personnes mariées homosexuelles deviennent infidèles à leur époux ou à leur épouse, mais on comptera autant de personnes mariées hétérosexuelles qui renieront leur engagement.


F. LES ALTERNATIVES AU MARIAGE

Argument

Il me semble qu'une autre institution que le mariage, comme une union civile fédérale ou un partenariat enregistré fédéral, offrant exactement les mêmes droits et privilèges que le mariage et qui pourrait s'appliquer partout au Canada, serait plus acceptable. Ne faudrait-il pas deux institutions différentes pour deux types de relations différents?

Réponse
Le gouvernement fédéral n'a juridiction que sur les conditions de fond du mariage et sur le divorce. Il n'est pas de ses compétences constitutionnelles d'offrir une union civile fédérale qui relève strictement du droit civil et donc exclusivement des provinces.

L'exemple du PACS français est souvent cité au Québec. Or, le PACS (Pacte Civil de Solidarité) n'est même pas une institution conjugale. Elle n’est non seulement pas égale au mariage - loin de là - mais un simple arrangement légal entre deux personnes qui dépendent l’une de l’autre (sans qu’il y ait nécessairement relation amoureuse). Le PACS est un contrat conclu entre deux personnes majeures, de sexe différent ou de même sexe, qui habitent ensemble et qui veulent organiser leur vie commune. Tout le monde peut se "PACSer" en France; des colocataires, des amis, etc. Le PACS crée quelques obligations pour les partenaires, notamment une aide mutuelle et matérielle, mais il ne se rapproche même pas du mariage en termes de droit et de reconnaissance civile.

Mais au-delà de ces considérations légales et constitutionnelles, une union civile fédérale est foncièrement inacceptable parce qu'elle mettrait en vigueur la doctrine "séparée mais égal" qui a longtemps justifié la ségrégation raciale aux États-Unis et en Afrique du Sud.

Argument
Pourquoi le gouvernement fédéral ne se retire donc pas du mariage au complet pour le laisser aux Églises?

Réponse
Cela signifierait ni plus ni moins enlever des droits à une majorité (i.e., les hétérosexuels) pour éviter de donner des droits à une minorité (i.e., les gais et les lesbiennes). Les gais et les lesbiennes pensent que cela serait profondément injuste. Dans les faits, cela voudrait dire que le gouvernement fédéral ne reconnaîtrait plus le mariage de leurs parents, de leurs frères et sœurs et, dans certains cas, même de leurs enfants, pour ne nommer que les êtres les plus chers autour d'eux. Cela est profondément inacceptable. Nous voulons être des citoyens à part entière, mais pas aux prix d'enlever des droits aux autres. Le respect que nous demandons impose le respect que nous devons à ceux et celles à qui nous le demandons.
De plus, si le gouvernement fédéral se retirait du mariage ce serait sans doute pour le remplacer par une sorte de partenariat ouvert aux couples de sexe différent comme au couple de même sexe. Le mariage offrant un certain nombre d'avantages et imposant un certain nombre d'obligations aux époux, ceux-là ne disparaîtraient pas pour autant. Cela signifierait que des couples hétérosexuels qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier à l’église ne pourraient pas se marier du tout. Ils pourraient seulement inscrire leur « partenariat » dans un registre qui n’aurait d’ailleurs pas la reconnaissance internationale du mariage. Paradoxalement, cela n'empêcherait pas les couples de même sexe de se marier à l'église en se dirigeant vers des institutions religieuses prêtes à les accueillir.


CONCLUSION

Nous ne pourrons jamais insister suffisamment sur l’importance que le projet de loi C-38 soit adopté par le Parlement canadien. Rejeter le projet de loi marquerait le début d’années de débats déchirants et déshonorants. L’objectif de nos opposants est clair ; débattre de la question à n’en plus finir pour éventuellement reculer dans le temps et interdire le mariage des conjoints de même sexe partout au Canada, même dans les 7 provinces et le territoire, où il est devenu légal après de longues batailles. Ils chercheront sans doute à imposer un référendum pancanadien sur la question au cours duquel la majorité décidera du sort de la minorité que nous sommes, ce qui constituera un geste sans précédent dans l’histoire du Canada et ira à l’encontre de la lettre et de l’esprit même de la protection offerte par la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Ou encore, ils voudront imposer la clause dérogatoire de la constitution canadienne afin de suspendre nos droits fondamentaux. Nul n’est allé plus loin dans ce débat que l’Évêque Fred Henry de Calgary qui a demandé aux gouvernements d’« interdire ou de limiter » l’homosexualité. N’oublions pas qu’il y a à peine plus d’une trentaine d’années, l’homosexualité était un crime au Canada. N’oublions pas non plus ceux et celles dont la vie a été détruite par la discrimination et la haine envers l’homosexualité. C’est pour ces personnes et pour les générations futures que nous nous battons.

L’accès au mariage pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes est la dernière étape à franchir avant que les personnes gaies et lesbiennes obtiennent l’égalité juridique pleine et entière au Canada. Une fois cette égalité acquise, il sera plus facile de nous pencher sur notre prochain défi, soit l’atteinte de l’égalité sociale et l’abolition de l’homophobie partout où elle se trouve.



Article paru dans le journal Le Soleil du 14 février 2005

Le mariage civil et les Églises: Quel est le véritable discours?
Par Nicole Hamel


Je vis, depuis 11 ans, en couple avec ma conjointe, que j’aime et avec qui je désire partager le restant de ma vie. Nous vivons une relation épanouissante et normale, même si, en cours de route, nous avons dû traverser bien des obstacles dont le rejet de certains de nos proches et amiEs, la clandestinité au travail et l'absence de reconnaissance, officielle ou autre, de notre amour par la société et par l’état. Notre engagement aussi vrai qu'inconditionnel envers l'un l'autre a survécu l'épreuve de la maladie qui m'a frappée et dont l'éclosion n'était, à mon avis, pas étrangère à ces souffrances.

En 1993, ma conjointe et moi nous sommes engagées devant 3 témoins à partager notre vie dans l’amour. Cette fête à caractère religieux s’est vécue de façon privée. Nous n'osions pas espérer à cette époque que nous aurions un jour la possibilité de nous marier. Et pourtant, notre relation était en tout point semblable à celles de couples hétérosexuels, ces membres de la majorité qui ne savent pas ce que c'est de devoir réclamer un droit aussi fondamentale que de dire "Oui, je le veux" devant les êtres qui nous sont chers.

Je suis croyante et pratiquante. Mais après avoir œuvré et occupé diverses fonctions au sein de l'Église catholique pendant plus de trente an, mon cheminement spirituel m'a amené, en 2001, à changer officiellement d'appartenance chrétienne en faveur de l'Église Unie que j'avais tranquillement commencé à fréquenter l'année précédente. Je suis alors passé de la liberté intérieure, qui n'en était pas vraiment une, à la vraie liberté, celle de la parole. J’y ai trouvé un confort dans l’expression de ma foi tel que je ne l'avais jamais ressenti auparavant et j'ai enfin pris ma place comme femme à part entière, ce qui m'avait jusque-là été refusé.

Contrairement à la croyance populaire, toutes les Églises ne sont pas contre le mariage entre conjoints et conjointes de même sexe. Ainsi, L’Église unie du Canada l’Église Unitarienne Universelle et la L'Église communautaire métropolitaine acceptent de célébrer de tels mariages. Elles appuient toute le projet de loi fédéral concernant le mariage civil des couples de même sexe car elles désirent proclamer haut et fort qu'il est possible de vivre à la fois sa foi et une relation conjugale avec une personne de même sexe et que les deux ne sont pas incompatibles.

Derrière le discours de plusieurs Églises envers le mariage des couples de même sexe se cache un autre discours qui est encore moins reluisant et qui a trait à l'homosexualité comme telle. Personnellement, je crois, comme l'a affirmé, en 2000, le 37e Conseil général de l'Église Unie - soit la plus haute instance décisionnelle dans l’église unie du Canada – que "les orientations sexuelles sont des dons de Dieu et qu'elles font partie de l’extraordinaire diversité de la création. " N'empêche, j'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi les membres du clergé qui condamnent l'homosexualité ou qui veulent imposer le célibat à vie aux personnes homosexuelles citent souvent des passages du Lévitique, ce livre de l'ancien testament qui approuve également l'esclavage, pourvu que les esclaves soient pris parmi les étrangers, ou qui nous a donné le fameux 'œil pour œil, dent pour dent.' Je ne comprends également pas pourquoi ces mêmes personnes qui portent des jugements très sévères sur nous, ne disent pas que le nouveau testament sur lequel a été bâtie l'Église de Jésus de Nazareth ne fait aucunement mention de l'homosexualité. Ce nouveau testament nous dit d'aimer notre prochain comme soi-même, pas de l'aimer à condition qu'il soit semblable à nous. D’ailleurs, Jésus n’a-t-il pas non seulement fréquenté mais accueilli inconditionnellement les marginaux de son temps?

J'aimerais également qu'on m'explique pourquoi on dit à une personne comme moi qui est dans la cinquantaine, qui a connu la maternité biologique et a adopté deux enfants, que le mariage existe avant tout pour des raisons de procréation et que c'est pour cela que ma conjointe et moi-même ne devrions pas y avoir accès. Or, à ce que je sache, les Églises qui nous tiennent ce discours ne refusent pas le mariage aux personnes hétérosexuelles ménopausées ou infertiles ou à celles qui ne désirent tout simplement pas d'enfants. Il faut le dire et le redire; l'engagement de deux personnes de même sexe qui désirent vivre ensemble et se jurer fidélité et soutien jusqu'à ce que la mort les sépare est aussi vrai, aussi sincère et aussi pur que l'engagement de deux personnes de sexe différent.

Enfin, je ne comprends pas pourquoi ces Églises refusent aux milliers d'enfants canadiens qui grandissent dans des familles homoparentales la reconnaissance sociale, étatique et religieuse de leurs familles. Ces enfants n'ont pas choisi d'avoir des parents qui ont une sexualité différente de la majorité et n'ont pas à subir également l'ostracisme dont ils sont l'objet. À mon avis, cela va à l'encontre de la morale et de la charité.

Tout aussi croyante que je puisse être, je crois profondément en la séparation de l'église et de l'état. Le débat sur le mariage qui fait rage actuellement et sur lesquels les députés de la Chambre des Communies auront bientôt à se prononcer concerne uniquement le mariage civil et non le mariage religieux. En ce sens, les chefs spirituels et religieux ne devraient même pas avoir droit au chapitre. Mais voilà qu'en raison de l'ouverture manifestée par des Églises comme l'Église Unie, certains résidents de l'Alberta, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard et des Territoires du nord-est se retrouvent dans une situation pour le moins aberrante: celle de pouvoir recevoir les sacrements du mariage dans leur propre Église mais de se voir refuser l'accès à l'institution du mariage sanctionnée par l'état! C'est la situation qui prévalait au Québec avant que la Cour d'appel ne rende un jugement unanime en mars 2004 nous donnant accès au mariage.

Les Églises jouissent de droits inaliénables et sont totalement libres de célébrer leurs sacrements comme elles l'entendent. Ces droits sont d'ailleurs garantis par les mêmes chartes canadienne et québécoise des droits et libertés qui protègent les minorités de toutes sortes. Mais voilà que certains membres du clergé prônent le recours à la clause dérogatoire de la constitution canadienne pour empêcher le mariage des couples de même sexe. Je trouve ce qui suit triste à dire mais ce sont les faits à l'aube du vingt et unième siècle; statistiquement parlant, il y a autant de personnes qui vont à la messe tous les dimanches au Canada qu'il y a de personnes homosexuelles, soit aux alentours de 10%. Les Églises toute dénomination confondue ne peuvent plus prétendre parler au nom de la majorité, même si une majorité dit croire en Dieu ou en un Être suprême. Lorsqu'une minorité fait tout pour brimer les droits d'une autre minorité, elle doit admettre ou du moins s'apercevoir que ces propres droits pourraient un jour, eux aussi, être en danger.

Je souhaite, en terminant, que le mariage civil soit bientôt disponible à la grandeur de notre pays, et que toutes les personnes pour qui l’engagement religieux a un sens puissent recourir aux Églises qui reconnaissent leurs unions d’amour. Récemment, à ma paroisse, j’ai participé activement au mariage civil et chrétien de deux amies intimes. Ce fut, non seulement pour moi mais pour plusieurs des invitéEs présents, toute orientation sexuelle confondue, un mariage des plus signifiants, des plus touchants et des plus riches de sens que nous n'oublierons jamais.

Nicole Hamel est Répondante pour l’inclusivité à l’Église unie St-Pierre de la ville de Québec et Répondante francophone de "S’affirmer ensemble/Affirm United", un groupe pancanadien, à l’intérieur de l’Église unie du Canada, pour les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et transgenres.




Annexe I


Projet de loi C-38 concernant certaines conditions de fond du mariage civil

1re session, 38e législature,

53 Elizabeth II, 2004-2005

Chambre des communes du canada

PROJET DE LOI C-38

Loi concernant certaines conditions de fond du mariage civil

Attendu :
Préambule

que le Parlement du Canada s’est engagé à faire respecter la Constitution du Canada et que, selon l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination;

que les tribunaux de la majorité des provinces et d’un territoire ont jugé que l’égalité d’accès au mariage civil pour les couples de même sexe et les couples de sexe opposé était comprise dans le droit à l’égalité sans discrimination;

que la Cour suprême du Canada a reconnu le fait que, sur la base de ces décisions judiciaires, de nombreux couples de même sexe canadiens se sont mariés;

que seule l’égalité d’accès au mariage civil respecterait le droit des couples de même sexe à l’égalité sans discrimination, et que l’union civile, à titre de solution de rechange à l’institution du mariage, serait inadéquate à cet égard et porterait atteinte à leur dignité, en violation de la Charte canadienne des droits et libertés;

que la Cour suprême du Canada a déclaré que la compétence du Parlement du Canada se limitait au mariage et que ce dernier n’avait pas, par conséquent, la compétence nécessaire à l’établissement d’une institution autre que le mariage pour les couples de même sexe;

que chacun jouit de la liberté de conscience et de religion au titre de l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés;

que la présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte à la garantie dont fait l’objet cette liberté, en particulier celle qui permet aux membres des groupes religieux d’avoir et d’exprimer les convictions religieuses de leur choix, et aux autorités religieuses de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs convictions religieuses;

que, à la lumière de ce qui précède, l’engagement du Parlement du Canada à protéger le droit à l’égalité sans discrimination l’empêche de recourir à l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés pour priver les couples de même sexe du droit à l’égalité d’accès au mariage civil;

que le mariage est une institution fondamentale au sein de la société canadienne et qu’il incombe au Parlement du Canada de la soutenir parce qu’elle renforce le lien conjugal et constitue, pour nombre de Canadiens, le fondement de la famille;

que, dans l’esprit de la Charte canadienne des droits et libertés et des valeurs de tolérance, de respect et d’égalité, la législation devrait reconnaître aux couples de même sexe la possibilité de se marier civilement,

Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :

1. Titre abrégé : Loi sur le mariage civil.
Titre abrégé

2. Le mariage est, sur le plan civil, l’union légitime de deux personnes, à l’exclusion de toute autre personne.
Mariage : conditions de fond

3. Il est entendu que les autorités religieuses sont libres de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs convictions religieuses.
Autorités religieuses

4. Il est entendu que le mariage n’est pas nul ou annulable du seul fait que les époux sont du même sexe.
Précision

Note : Pour le texte complet du projet de loi, ainsi que d’autres renseignements, veuillez consulter le lien internet suivant et naviguer selon le:

http://canada.justice.gc.ca/fr/fs/ssm/index.html



Annexe II


Notes explicatives concernant
le projet de loi C-38
Document d'information du Ministère de la Justice du Canada

Loi sur le mariage civil

Introduction

Le Gouvernement du Canada a déposé un projet de loi intitulé Loi sur le mariage civil, qui, dans le respect de la liberté de religion, accorde aux conjoints de même sexe le droit de se marier civilement. Ce projet de loi repose sur l’avant-projet de loi dont a été saisie la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif au mariage et comporte des modifications corrélatives de huit lois fédérales, afin de traiter également les conjoints de même sexe afin qu’ils puissent se marier civilement et divorcer au Canada.

Principes

D’après la Charte canadienne des droits et libertés, la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination. Le Parlement du Canada s’est engagé à appuyer la Charte et la Constitution.

Selon le gouvernement, les conjoints de même sexe doivent avoir un droit égal d’accès au mariage, faute de quoi ils seraient victimes de discrimination. Le gouvernement ne peut pas et ne doit pas choisir les droits qu’il faut défendre et ceux qui peuvent être mis de côté. S’il est permis de porter atteinte aux droits fondamentaux d’un groupe minoritaire, ceux des autres groupes minoritaires risquent aussi d’être violés. Ce projet de loi respecte et défend les droits que garantit la Charte à tous les Canadiens.

Les tribunaux de huit provinces et territoires ont reconnu que le droit à l’égalité sans discrimination exige qu’il y ait égalité d’accès au mariage civil pour les conjoints de même sexe. Des milliers de conjoints de même sexe sont déjà légalement mariés.

La Charte canadienne des droits et libertés garantit la liberté de conscience et de religion. Rien dans le projet de loi ne vient y porter atteinte, en particulier à la liberté pour les membres de groupes religieux d’affirmer leurs croyances et la liberté pour les autorités religieuses de refuser de célébrer des mariages contraires à leurs croyances. C’est pourquoi la loi fait uniquement mention du mariage civil. Les autorités religieuses continueront de prendre leurs propres décisions à cet égard.

De nombreux Canadiens sont en faveur de la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe, mais veulent que ces unions soient désignées par un autre terme que « mariage », par « union civile » par exemple. L’union civile n’est pas le mariage civil ; elle ne respecte pas les droits à l’égalité sans discrimination des conjoints de même sexe et contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés.

La Cour suprême du Canada a tranché que le Parlement avait compétence législative en matière de mariage, mais non compétence pour établir une institution autre que le mariage pour les conjoints de même sexe.

La détermination du gouvernement de soutenir le droit à l’égalité sans discrimination écarte toute application de la disposition dérogatoire en vue de refuser aux conjoints de même sexe un droit égal d’accès au mariage civil.

Le mariage est une institution fondamentale de la société canadienne et le Parlement du Canada a la responsabilité d’appuyer cette institution, qui renforce l’engagement dans les relations et pour beaucoup de Canadiennes et Canadiens, constitue le fondement de la vie familiale.

Le projet de loi

Le projet de loi accorde, dans le respect de la liberté de religion, aux conjoints de même sexe voulant se marier la même reconnaissance juridique civile de leur engagement qu’aux autres couples mariés. Le préambule du projet de loi énonce les raisons pour lesquelles le Gouvernement du Canada dépose ce projet de loi.

La Cour suprême du Canada a déclaré – et le gouvernement l’appuie – qu’il valait mieux que le Parlement établisse l’uniformité sur le plan législatif dans l’ensemble du pays. Une loi fédérale offre le meilleur moyen de prendre une orientation claire à l’échelle du Canada.

Le projet de loi reconnaît que la liberté de religion est déjà entièrement protégée par la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que l’a confirmé récemment la Cour suprême du Canada dans sa décision. C’est la raison pour laquelle le titre du projet de loi fait mention du mariage civil. Les autorités religieuses continueront de prendre leurs propres décisions à cet égard.

Le projet de loi prévoit des modifications corrélatives de huit lois. La Loi sur le divorce, la Loi d’harmonisation du droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec, la Loi sur le mariage (degrés prohibés) et la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations seront modifiées pour les rendre conformes à l’article 2 du projet de loi. Les modifications corrélatives des autres lois (Loi canadienne sur les sociétés par actions, Loi canadienne sur les coopératives, Loi sur les prestations de guerre pour les civils,Loi de l’impôt sur le revenu) ont trait au traitement égal des époux et des personnes à leur charge.

Contexte
Le 17 juin 2003, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il ne porterait pas en appel les jugements des cours d’appel de la Colombie-Britannique et de l’Ontario sur la définition du mariage, mais qu’il déposerait un projet de loi donnant accès au mariage civil aux conjoints de même sexe et confirmant la liberté de religion, et qu’il soumettrait ce projet de loi à la Cour suprême du Canada dans le cadre d’un renvoi pour s’assurer de sa constitutionnalité. Le 17 juillet 2003, il a renvoyé l’avant-projet de loi à la Cour suprême du Canada.

Le Renvoi comportait trois questions relatives à l’avant-projet de loi :

1)l’avant-projet de loi relève-t-il de la compétence exclusive du Parlement du Canada ?

2)l’avant-projet de loi est-il conforme à la Charte canadienne des droits et libertés ?

3)la Charte protège-t-elle les autorités religieuses de l’obligation de célébrer, contrairement à leurs croyances religieuses, des mariages entre conjoints de même sexe ?

Le 28 janvier 2004, le ministre de la Justice a annoncé que le gouvernement avait soumis une quatrième question à la Cour suprême du Canada, à savoir si l’exigence concernant l’hétérosexualité dans la définition du mariage était constitutionnelle. Cette quatrième question a été ajoutée pour que le Parlement dispose de toute l’information nécessaire quant au cadre juridique entourant cette importante question avant d’en débattre.
Les 6 et 7 octobre 2004, la Cour suprême a entendu les plaidoiries du gouvernement du Canada et de 28 intervenants.
La Cour suprême du Canada a rendu, le 9 décembre 2004, sa décision dans le Renvoi relatif au mariage. La Cour s’est dite d’accord avec la position du procureur général du Canada au sujet de la constitutionnalité de l’avant-projet de loi, établissant que celui-ci respecte non seulement la Charte, mais découle de la protection qui y est offerte. La Cour a refusé de répondre à la quatrième question, qui porte sur la constitutionnalité de l’exigence concernant l’hétérosexualité dans la définition du mariage; ce refus a pour effet de maintenir les jugements des tribunaux inférieurs de huit provinces et territoires selon lesquels cette exigence est inconstitutionnelle. La Cour a motivé son refus en affirmant que bien des Canadiennes et Canadiens s’étaient déjà mariés sur la foi de décisions de tribunaux inférieurs. La Cour a aussi mentionné que les solutions de rechange, telles qu’une autre forme de reconnaissance juridique des unions de conjoints de même sexe comme l’union civile, portent atteinte au droit à l’égalité et vont à l’encontre de la Charte, ce qui obligerait à avoir recours à la disposition dérogatoire. Selon la Cour, la Charte protège déjà pleinement les institutions religieuses de la contrainte d’avoir à célébrer des mariages contraires à leurs croyances, mais la disposition du projet de loi relative à la liberté de religion n’est pas exclusivement de compétence fédérale; ainsi, toute mesure de protection supplémentaire devrait s’inscrire dans les lois provinciales et territoriales.

Contenu du projet de loi

L’article 1 énonce le titre abrégé de la loi.

L’article 2 prévoit la capacité juridique de deux personnes de même sexe de contracter un mariage civil.

L’article 3 reconnaît que la Charte canadienne des droits et libertés protège pleinement le droit des autorités religieuses de refuser de célébrer des mariages contraires à leurs croyances, ainsi que l’a confirmé la Cour suprême du Canada dans sa décision à propos du Renvoi sur le mariage.

L’article 4 précise que le mariage civil de conjoints de même sexe ne peut être annulé, ni n’est susceptible d’être annulé par les tribunaux, au motif unique qu’ils ou elles sont de même sexe, écartant l’ancienne règle de common law.

Modifications corrélatives

Les articles 5 à 15 du projet de loi énoncent les modifications corrélatives de huit lois fédérales.

Capacité de se marier (modifications corrélatives concernant directement l’article 2) :

Loi d’harmonisation du droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec

Cette modification édicte de nouveau l’article 5 de la Loi, lequel avait été annulé par les tribunaux du Québec et elle remédie à son inconstitutionnalité. La disposition énonce la nécessité du consentement libre et éclairé de deux personnes à se prendre mutuellement pour époux.

Loi sur le mariage (degrés prohibés)

Cette modification étend les interdictions au mariage de personnes de sexe opposé ayant des liens étroits de parenté énoncées au paragraphe 2(2) de la loi aux personnes de même sexe ayant des liens étroits de parenté.

Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations

Cette modification en abroge l’article 1.1, à savoir la disposition d’interprétation qui prévoit l’exigence d’hétérosexualité prévue dans la définition du mariage selon la common law.

Traitement égal des époux

Loi canadienne sur les sociétés par actions

La modification de l’article 237.5 de la Loi vise à préciser qu’un groupe de personnes ayant des liens de parenté et membres d’une fiducie familiale peut comprendre des époux de sexe opposé, ceux de même sexe, leurs enfants et les membres de leurs familles. La rédaction de cette modification exige une précision de l’application actuelle de la disposition aux unions de fait.

Loi canadienne sur les coopératives

L’article 337.5 de la Loi est modifié pour les mêmes raisons que la disposition de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Loi sur les prestations de guerre pour les civils

Cette modification abroge l’article 36 de la Loi. Comme cette disposition n’a plus d’effet désormais à l’égard de nouveaux demandeurs, il n’est pas nécessaire de modifier le renvoi aux mots « époux » et « épouse » pour inclure aussi les mariages entre conjoints de même sexe.

Loi de l’impôt sur le revenu

Les modifications des articles 56.1 et 60.1 remplacent le mot « parent » par « parent légal » afin de garantir que les pensions alimentaires en vertu d’un jugement ou d’une entente écrite concernant des conjoints de sexe opposé et de même sexe et leurs enfants soient également reconnues dans la législation fédérale.

On modifie trois parties de l’article 252 de cette loi. L’alinéa 252 (1)a) est modifié de façon à supprimer la référence à « parent » pour la remplacer par « parent légal », conformément aux modifications des articles 56.1 et 60.1, puis à supprimer également le dernier renvoi à l’illégitimité dans les lois fédérales. L’alinéa 252 (1)d) est abrogé, car il n’est plus nécessaire de mentionner séparément l’enfant adopté, compte tenu de l’utilisation de l’expression « parent légal ». Le paragraphe 252 (3) est modifié de façon à supprimer l’exigence d’hétérosexualité pour les couples mariés.


Égalité d’accès au divorce

Loi sur le divorce

La modification de l’article 2 de cette loi élargit la définition d’« époux » et d’« enfant à charge » de façon à ce que les protections de cette loi s’appliquent aux couples mariés de sexe opposé et à ceux de même sexe.

Ministère de la Justice
Février 2005