Égypte : Amnistie dénonce un projet de loi criminalisant l'homosexualité

Envoyé par Amnistie / via Comité de solidarité internationale de l'ALGI en date du 13 novembre 2017 à 09h16
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Source: amnistie.ca. Le soulignement est de nous.

(photo fugues.com)

Plus de 60 députés égyptiens ont proposé une loi profondément discriminatoire qui, pour la première fois dans le pays, incrimine explicitement les relations homosexuelles, a déclaré Amnistie internationale. Cette initiative est le dernier épisode d'une répression sans précédent contre les personnes LGBTI, lancée par les autorités après le déploiement d'un drapeau arc-en-ciel lors d'un concert au Caire le 22 septembre.

Le projet de loi définit pour la première fois l'« homosexualité » et prévoit des sanctions plus lourdes, pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison – ou même jusqu'à 15 ans dans le cas d'une personne reconnue coupable de plusieurs infractions aux termes de diverses dispositions de la loi.

« Depuis plus d'un mois maintenant, les autorités égyptiennes mènent une répression particulièrement violente contre les personnes LGBTI dans le pays. Plus de 70 personnes ont été arrêtées et certaines ont été soumises à des examens rectaux qui s'apparentent à des actes de torture. Ce projet de loi profondément discriminatoire serait un sérieux revers pour les droits humains et un nouveau coup fatal pour les droits sexuels en Égypte », a affirmé Najia Bounaim, directrice des campagnes pour l'Afrique du Nord à Amnistie internationale.

« L'adoption de cette loi viendrait conforter les préjugés et les violences dont sont victimes certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle présumée. Nul ne devrait être la cible de discriminations, d'actes d'intimidation ou de peines d'emprisonnement sur la base de son orientation sexuelle réelle ou supposée. Les autorités égyptiennes doivent de toute urgence abandonner ce projet de loi et mettre fin à cette vague alarmante de persécution homophobe. »

Riad Abdel Sattar, député du parti des « Égyptiens libres », a proposé cette nouvelle loi après avoir recueilli au moins 67 signatures de députés. Le texte doit être examiné et débattu par le Parlement lors de la session en cours. Si la loi est adoptée, elle sera transmise au président pour être promulguée.

Le projet de loi – qui comporte sept articles – prévoit des sanctions allant jusqu'à cinq ans de prison pour avoir eu des rapports sexuels avec des personnes du même sexe, qui sont qualifiés d'actes d'« homosexualité » dans le texte du projet. Le fait de « promouvoir ou encourager l'homosexualité » est également passible d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison.

Jusqu'à présent, les autorités égyptiennes se sont fondées sur la loi n° 10 de 1961 relative à la prostitution pour inculper les personnes soupçonnées d'avoir eu des relations homosexuelles de « pratique habituelle de la débauche », une infraction passible d'une peine maximale de trois ans d'emprisonnement.

Le projet de loi interdit également la promotion ou la diffusion publique de tout rassemblement ou de toute fête LGBTI, par le biais de publications audio ou vidéo ou sur les réseaux sociaux. La peine maximale prévue pour ces faits est de trois ans d'emprisonnement. Le fait d'exhiber un symbole ou une pancarte LGBTI, tout comme la production, la promotion, la vente ou la commercialisation de ce type de produit, serait aussi passible de trois ans de prison au maximum.

Le projet de loi précise également que les personnes reconnues coupables seraient soumises, après avoir purgé leur peine, à des périodes de mise à l'épreuve équivalentes à la peine de prison qui leur a été infligée. Amnistie internationale a pu constater que les personnes mises à l'épreuve en Égypte sont souvent maintenues de force dans un commissariat local pendant 12 heures par jour, et sont donc, de fait, privées de leur liberté.

Le projet de loi comporte aussi une disposition qui donne aux autorités le droit de « déshonorer » publiquement les personnes condamnées au titre du projet de loi en publiant leur nom et la peine à laquelle elles ont été condamnées dans deux journaux nationaux largement diffusés, alimentant les nombreux préjugés à l'égard des personnes perçues comme gays.

« En plus de proposer de sanctionner pénalement les relations homosexuelles – qui, dans tous les cas, ne devraient pas constituer une infraction –, ce projet de loi vise aussi à alimenter les préjugés, l'humiliation et la haine à l'égard de certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée », a expliqué Najia Bounaim, directrice des campagnes pour l'Afrique du Nord à Amnistie internationale.

« Les dirigeants mondiaux, en particulier le président français Emmanuel Macron, qui a reçu le président Abdel Fattah al Sissi le mois dernier à l'Élysée, doivent sortir de leur silence pour condamner cette répression homophobe. Au lieu de dérouler le tapis rouge pour accueillir le président égyptien dans les capitales européennes et signer de nouveaux contrats, ils devraient profiter de leur influence pour faire en sorte que le Parlement abandonne ce projet de loi profondément répressif. »

Dans une décision de 1994, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a estimé que les lois érigeant en infraction les actes sexuels entre adultes consentants du même sexe bafouaient le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Vague d'arrestations

D'après l'Initiative européenne pour les droits de la personne, au moins 75 personnes de différents gouvernorats d'Égypte ont été arrêtées depuis le début de la répression contre les LGBTI le 22 septembre. La plupart d'entre elles ont été piégées par leur utilisation d'applications de rencontre en ligne.

Parmi les personnes arrêtées, au moins cinq hommes ont été soumis à des examens rectaux, qui constituent une forme de torture, et au moins 20 ont été condamnés à des peines de prison allant de six mois à six ans lors de procès particulièrement rapides. Les autres sont détenus dans plusieurs prisons et commissariats en attendant d'être interrogés par des procureurs.

Mis à jour le vendredi, 10 novembre 2017

 


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