Qu’attendons-nous

Envoyé par Cathy Wong, chroniqueuse au Devoir / via ALGI en date du 11 avril 2017 à 07h35

Source : Le Devoir

Le Québec homophobe ? Si l’on se fie au dernier livre d’Éric Duhaime sur l’homosexualité ou à la popularité des péripéties lesbiennes de l’émission Unité 9, ça semble plutôt être le contraire. À côté de l’hostilité déployée lors des « Manifs pour tous » chez nos cousins français et de l’intolérance des mouvements religieux conservateurs chez nos voisins américains, la Belle Province semble avoir des allures d’oasis pour les personnes LGBTQ+. Ce n’est pas entièrement faux, mais le portrait n’est pas aussi rose, quoi qu’en pense la ministre de la Justice Stéphanie Vallée.

Lors de la présentation de son bilan du Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie, elle s’est félicitée, sur un ton un peu trop triomphaliste, d’avoir mis en place des mesures « pour favoriser la pleine reconnaissance des droits des personnes de minorités sexuelles ». Certes, les travaux du ministère de la Justice avec les acteurs scolaires, communautaires, et de la santé sont fort louables. Mais ils ne suffisent plus. Pour assurer la pleine reconnaissance des droits des personnes LGBTQ+, des réformes législatives s’imposent, et vite !

Interdire les thérapies de conversion

Inutile de retourner bien loin en arrière au Québec et ailleurs, pour se souvenir que l’homosexualité était perçue comme une maladie. Cette conception n’a pas complètement disparu du paysage. Le Québec continue à abriter des organismes offrant des « thérapies réparatrices » destinées à « convertir » les personnes homosexuelles en sujets hétérosexuels. L’organisme Arc-en-ciel du Québec déposait récemment un mémoire dénonçant l’existence de groupes tels que Campagne Québec-vie, Thérapie chrétienne Outaouais ou Ta vie ton choix, qui proposent aux personnes LGBTQ+ de les « libérer » de leur orientation sexuelle. L’Ontario a effectué les changements législatifs en 2015 pour interdire ces pseudo-thérapies homophobes sur des mineurs. Cette réforme tarde toujours à venir au Québec. Tant et aussi longtemps que ces pratiques auront droit de cité, le message toxique selon lequel l’homosexualité est une condition curable persistera.

Accueillir la diversité des modèles familiaux

Tandis que les modèles familiaux sont en pleine évolution au Québec, notre droit familial n’a pas tout à fait emboîté le pas pour mieux refléter ces réalités. Je pense notamment aux débats sur la gestation pour autrui (le phénomène des « mères porteuses »), méthodes utilisées par plusieurs personnes LGBTQ+. Toutes les autres provinces reconnaissent et encadrent cette pratique à certaines conditions. Au Québec, cette pratique n’est ni reconnue ni encadrée, si bien que l’on se retrouve dans un vide juridique. Selon la Coalition des familles LGBT, cette zone grise provoque un « tourisme reproductif » par lequel des parents voyagent dans d’autres régions pour réaliser leur projet de gestation pour autrui. Il est temps que le Québec se positionne sur ces questions éthiques.

La question des familles pluriparentales, où des parents choisissent de fonder une famille en trio ou en quatuor, s’impose aussi. Il y a déjà une décennie, la Cour d’appel d’Ontario reconnaissait la possibilité d’inscrire trois parents, soit la mère sociale, le donneur de sperme et la mère biologique sur le certificat de naissance de l’enfant. La pluriparentalité a aussi été rendue légale en Colombie-Britannique en 2013. Cette innovation législative permet de s’ouvrir concrètement à l’idée que « cela prend un village pour élever un enfant ». À l’heure où les familles recomposées se multiplient, qu’est-ce qui empêcherait le Québec de faire un pas de plus dans la normalisation des modèles familiaux diversifiés ?

Inclure les personnes trans migrantes

Le Québec est la seule province où il est toujours interdit pour une personne non citoyenne de changer son nom et son sexe. La possibilité d’effectuer ces modifications au Québec se limite aux personnes possédant la citoyenneté canadienne, ce qui peut représenter jusqu’à sept ans d’attente pour les personnes trans migrantes. Pendant ce temps, la ministre des Relations internationales, Christine St-Pierre, vante la défense des LGBTQ+ comme partie intégrante de sa politique étrangère québécoise. Persécutées dans leur pays, des personnes trans trouvent refuge au Québec. Mais une fois chez nous, ces personnes sont susceptibles de revivre des discriminations, par exemple en cherchant de l’emploi ou un logement, parce que leurs papiers ne correspondent pas à leur identité de genre.

Qu’attendons-nous ? Le Québec est mûr pour tous ces changements. À l’aube du nouveau Plan de lutte contre l’homophobie et la transphobie, ces réformes législatives s’imposent si l’on veut réellement incarner l’oasis que l’on prétend être.

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