IPERGAY : n’avalez pas leur pilule, demandez plutôt la PREP en continu

Envoyé par PolitiQ Queers solidaires / via ALGI en date du 03 décembre 2012 à 12h05

*COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Pour diffusion immédiate*

*IPERGAY : n’avalez pas leur pilule, demandez plutôt la PREP en continu.*

Montréal, le 30 novembre 2012 - D’ici quelques semaines, l’étude IPERGAY
commencera le recrutement d’hommes cisgenres gais séronégatifs montréalais
pour tester un nouveau moyen de prévention, la prophylaxie pré-exposition
(PrEP) prise de manière sporadique (« PrEP intermittente prise à la demande
»). Alors que cet essai clinique est vivement critiqué en France, les
chercheurs et le lobby pharmaceutique tentent d’imposer à Montréal une
étude faite sous placebo qui risque d’entraîner des contaminations au VIH
injustifiées chez les cobayes qui s’y soumettront. À la suite de Warning-
Paris et Montréal 1 , PolitiQ – queers solidaires dénonce les tentatives de
tester à rabais la PrEP intermittente et encourage tous les gais qui
voudront participer à l’étude à exiger des médecins et conseillers qui les
suivront une prophylaxie pré-exposition en continu comme moyen de réduire
efficacement le risque de contamination VIH. La façon dont le tout est mené
semble également compromettre l’autonomie des groupes communautaires
québécois impliqués dans l’étude, qui semblent être pris en otage et
incapables de se positionner publiquement face à un lobby scientifique
avide de publications prestigieuses.

La PrEP est un nouvel outil de prévention qui consiste à donner des
anti-rétroviraux à des personnes séronégatives avant, pendant et après
qu’elles aient des rapports sexuels sans condom afin d’éviter la
contamination au VIH/sida. On sait grâce à l’étude iPrEx que l’usage de
Truvada en continu (c.-à-d. pris comme tout traitement anti-rétroviral sur
une base quotidienne) fonctionne. Cependant, le manque d’adhérence (la
régularité à laquelle une personne prend ses pilules) diminue l’efficacité
de cette méthode. C’est pourquoi IPERGAY veut tester l’utilisation
sporadique du médicament afin qu’elle puisse davantage coller à la réalité
des hommes gais qui ont des relations « à risque ». Par exemple, pour des
gais qui feraient le party la fin de semaine, il suffirait de prendre deux
pilules le vendredi et une à toutes les 24 heures jusqu’après le dernier
rapport sexuel. Si elle s’avérait efficace, cette utilisation de Truvada
donnerait une option supplémentaire pour permettre aux personnes qui
n’arrivent pas à porter le condom en toute occasion de mieux se protéger.
Cette option pourrait être très intéressante pour plusieurs, bien qu’il
faudrait alors se questionner sur les coûts et l’accessibilité d’un tel
outil (qui ne remplacerait pas le condom comme moyen de prévention de
première ligne, mais qui viendrait s’y ajouter pour les « personnes à haut
risque d’infection VIH », c.-à-d. forte prévalence communautaire).

Cependant, dans sa version actuelle, l’étude IPERGAY prévoit utiliser un
placebo afin de minimiser ses coûts et d’obtenir des résultats plus
apparents et surtout plus rapidement (les études randomisées avec placebo
autorisant un échantillon plus petit tout en ayant des résultats
statistiques significatifs). Cela veut dire que certains hommes se feront
donner des pilules de sucres plutôt qu’un moyen de se protéger du VIH/sida.
Des membres du comité associatif de l’antenne française, composée de
groupes communautaires, ont indiqué majoritairement que considérant l’état
des connaissances scientifiques actuelles, l’utilisation du placebo était
injustifiée et inéthique. Elle met à risque les personnes qui prendront
part à l’étude. D’autres possibilités existent, dont celle de comparer la
PrEP en continu avec la PrEP sporadique, comme les essais en vie réelle,
débutés aux États-Unis ou au Brésil.

Face à ce constat, Warning s’est retiré du comité associatif en France. Au
Québec, IPERGAY se targue que « des représentants de la communauté
participent directement à la mise en œuvre de l’étude et seront consultés à
tous les stades du projet » 2 . C’est dire que les groupes sont cooptés
pour légitimer la méthodologie proposée. En réalité, cette étude n’a
aucunement l’allure d’un projet fait par et pour la communauté, et ce
triplement : 1) les sujets n’y ont qu’un avantage marginal à y participer,
2) les organismes communautaires qui se prêteraient à collaborer n’en
retirerons aucune ressource supplémentaire directe alors que 3) l’étude ne
vise qu’à prouver l’efficacité de son concept sur le dos des sujets qui y
sont inscrits. Il s’agit d’un recul des mouvements VIH/sida qui avaient, à
l’époque d’Act Up New York, pu forcé la révision des protocoles d’essais
cliniques en fonction du besoin des malades. 1) Lors d’une rencontre
d’information organisée le 21 novembre dernier, les chercheurs ont voulu
justifier leur méthode. Leur argument en faveur du placebo tient au fait
que les participants se verront donner de nombreux counselings
motivationnels sur les stratégies de prévention du VIH et se verront
remettre condoms et lubrifiants. Rien d’exceptionnel : il s’agit là du
standard minimum à tout essai thérapeutique selon les protocoles éthiques
les plus récents de l’ONUSIDA. Comme tous sauront qu’ils peuvent avoir un
placebo, les chercheurs pensent que les sujets ne prendront pas davantage
de risques. Mais si ces hommes qui prennent déjà des risques (puisque c’est
le critère sur lequel ils seront recrutés) n’ont pas accès à un moyen
supplémentaire de se protéger, quel est pour eux le bénéfice d’aller se
taper à répétition des séances leur disant d’utiliser des stratégies qu’ils
n’utilisent déjà pas ou du moins pas de manière consistante ?

2) Aujourd’hui, les groupes communautaires sont pris face à cette machine
qui ne reculera pas. Les organismes VIH/sida ont développé toute une
capacité critique qu’il est dommage de voir fondre face aux politiques
néo-libérales qui les assujettissent chaque année davantage. Seront-ils
bientôt réduits à des exécutants et des recruteurs pour des études
problématiques comme celle-ci ? PolitiQ demande aux groupes communautaires
LGBT et VIH/sida de ne pas s’impliquer dans la promotion de l’étude sous sa
forme actuelle sans qu’ils aient pris le temps d’émettre un communiqué
clair exprimant leur position sur l’utilisation des placebos dans l’état
actuel des connaissances sur le VIH/sida. Qu’y gagnent-ils après tout,
puisque les sommes colossales investies ne leur serviront nullement ? Nous
demandons également que les individus intéressés à prendre part à cette
étude soient informés qu’il leur est possible d’accéder à la PrEP en
continu comme alternative. La stratégie de la PrEP en continu comme mode de
prévention est déjà utilisée de manière informelle par certains médecins
québécois, alors qu’aux États-Unis, la FDA a explicitement approuvé
l’utilisation du Truvada dans cet usage.

3) Si PolitiQ reconnaît l’avantage que pourrait représenter une PrEP
occasionnelle, le savoir n’a pas à s’acquérir sur le dos des populations.
Certes, d’autres méthodes que le placebo nécessiteraient davantage de
ressources et auraient des résultats moins évidents ou obtenus moins
rapidement. Il a également été avancé lors de la rencontre du 21 novembre
que, considérant le petit échantillon recherché pour l’étude (400
personnes) et le nombre total de séroconversions annuelles recensées au
Québec, l’étude n’en recouperait qu’une faible proportion. Cela amène la
question : « à combien de séroconversions sommes-nous prêt.e.s à participer
dans le but d’étayer le savoir scientifique ? » La réponse est évidente :
aucune ne devrait être nécessaire. Nous ne sommes prêt.e.s à porter
atteinte à la santé d’aucune personne au profit d’intérêts économiques ou
de renommée.

Nous reconnaissons cependant que notre société est privilégiée. Pour la
plupart des personnes blanches canadiennes de classe moyenne, une
contamination au VIH/sida est ici l’équivalent d’une maladie chronique
plutôt qu’un synonyme de mort. Dans le passé, les personnes infectées dans
le cadre de telles études menées dans des pays en voie de développement ne
recevaient aucun soin des entités qui avaient mené les études, alors
qu’ici, les personnes infectées dans le cadre de cette étude se verraient
payer des médicaments et les services de santé. Il vaut mieux nous utiliser
comme cobayes plutôt que de rejeter des études de ce genre dans des pays en
voie de développement où les sujets infectés sont certainement moins bien
traités qu’ici et ont encore moins de pouvoir pour contester des conditions
inacceptables. Mais cette réalité ne justifie pas de traiter la
séroconversion potentielle de participants de façon cavalière dans le
simple but d’avancer la science à rabais.

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PolitiQ – queers solidaires est un collectif visant à ouvrir des espaces de
discussions et de débats sur les enjeux politiques entourant les sexualités
et les genres. Nos principaux dossiers concernent la décriminalisation de
l’exposition au VIH, la décriminalisation du travail du sexe, la lutte à
l’hétérosexisme et la visibilité des enjeux trans.

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