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    LE RIRE - GDMANIMATHÉORISE , le 15 juin 2001 à 23h11

LE RIRE

Envoyé par GDMANIMATHÉORISE en date du 15 juin 2001 à 23h11
Le rire


Il est difficile d'établir une théorie sur la fonction première du rire: nous rions pour diverses raisons et à différents moments. Cette difficulté vient du fait qu'on ne sait trop encore si le rire est une émotion ou un comportement. Il existe donc quelques théories sur le rire. Voyons d'abord celle dite "de la supériorité".


La théorie de la supériorité existe au moins depuis Platon. Selon cette théorie, le rire exprime un sentiment de supériorité de la personne qui rit sur la personne dont on rit. Aristote était d'accord avec Platon et appelait ce type de rire la dérision. Thomas Hobbes, dans Leviathan en 1839, reprit cette hypothèse. Anthony Ludovici, en 1933, s'inspira de la philosophie évolutionniste alors très populaire, et décrivit le rire comme une adaptation à une situation spécifique. Il supposa également que montrer ses dents était originalement une façon de défier l'ennemi. Dans le même sens, Albert Rapp en 1951, associa le rire aux rugissements de gloire des anciens duels de la jungle et affirma que le rire existait fort probablement avant le langage parlé. Selon lui, le rire pourrait avoir été une forme de signal pour les autres membres d'un groupe leur signifiant qu'ils pouvaient relaxer en sécurité. En 1966, pour l'ethnologue Konrad Lorenz, le rire demeurait une forme contrôlée d'agression issue d'attitudes agressives. À l'objection selon laquelle on peut rire également de soi, les adeptes de la théorie de la supériorité répliquèrent que ce type de rire, le ridicule, impliquait une division du Moi en deux parties dissociées. Mais la principale faiblesse de cette première théorie demeure: on ne rit pas toujours par dérision. Ainsi, lorsqu'on chatouille un bébé qui s'esclaffe même s'il n'a pas encore la conscience de soi ou même des autres.


Le rire du bébé chatouillé peut s'expliquer par contre par la théorie "de l'incongru", qui s'intéresse plus à l'aspect cognitif du rire qu'à son aspect émotionnel. Autrement dit, la théorie de la supériorité considère le rire comme relevant de l'affectivité tandis que la théorie de l'incongru l'explique par une réaction intellectuelle à quelque chose d'inattendu: dans la vie de tous les jours, lorsque certains événements ou comportements diffèrent de ce à quoi on s'attendait, alors on rit. Aristote effleurait cette idée dans son Rhétorique. Plus récemment, Kant et Shopenhauer peaufinèrent cette théorie.


Emmanuel Kant, dans son livre intitulé Critique de la raison qui est paru en 1892, affirmait que le rire provient de la subite annulation d'une anticipation. Kant donna un exemple de blague pour expliquer cette théorie:


Le fils d'un milliardaire engagea des personnes pour pleurer la mort de son père lors des funérailles données en son honneur. Le riche héritier voulait ainsi redorer l'image de son paternel qui était impopulaire au sein de son entourage parcequ'il était radin et exploitait ses employés. Lors de la cérémonie, le fils s'impatienta à propos des personnes engagées et déclara à sa femme: "Je ne comprend pas, plus je les paye, moins ils ont l'air triste!"


Selon Kant, la personne qui prend connaissance de cette blague pour la première fois s'attend à un certain dénouement de l'histoire. Mais le dénouement anticipé est réduit à néant, ce qui provoque le rire.


Shopenhauer reprit ensuite cet exemple pour préciser la théorie de Kant. Selon Shopenhauer, le dénouement anticipé ne serait pas réduit à néant mais transformé en un autre dénouement inattendu, ce qui expliquerait mieux le rire.


Cette théorie de l'inattendu n'explique cependant pas non plus toutes les situations où on rit. Par exemple, quelqu'un qui trouverait une boule de quille dans le réfrigérateur pourrait pouffer de rire mais si cette personne y trouvait plutôt un boa constricteur, il ne rirait certainement pas et prendrait ses jambes à son cou. Toutes les situations de surprise ne font pas rire, donc.


Une autre théorie tente d'expliquer le rire: elle est celle du soulagement. Cette autre théorie, élaborée par Lord Shaftesburg en 1711, peut également s'accorder avec les deux premières. Selon elle, le rire libère l'énergie nerveuse ou construit cette énergie selon les circonstances. Ainsi, dans une blague non-hostile où on ne rit de personne, la narration peut provoquer une tension nerveuse libérée à la toute fin.


Le philosophe John Morreall, auteur de Taking Laughter Seriously, est d'avis que le rire s'explique par un amalgame de ces trois théories. Le rire serait un changement psychologique naturel et plaisant qui diffère selon les situations. Marshall insiste sur le côté plaisant du rire. Selon l'auteur, l'humour adulte mise plus sur l'incongruité que sur la simple surprise.


Le rire est encore un phénomène étrange qui demeure inexpliqué ni par la philosophie ni même par la science. Peut-être que les professionnels de l'humour pourraient nous en apprendre d'avantage. Dominique "Dodo" Michel et Claude "Popa" Meunier en auraient certainement long à dire sur le sujet. En attendant, vous pouvez toujours méditer sur le sujet en tentant de vous chatouiller vous même!



| Reporter : Martin Beaudin-Lecours| © Futur Simple |

Source :

Morreall, John. Taking laughter seriously. Albany,State University of New York, 1983. 144 p.

Articles : http://www.globetrotter.net/futursimple/archives/rire.htm
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