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Le diable est aux vaches... ;o))

Envoyé par GDMANIMAPACS en date du 10 mai 2001 à 14h00

(source "http://www.liberation.fr/pacs/images/picto.gif")

«Alors, comme ça, tu votes pour le mariage des pédés?»

De nombreux députés socialistes ruraux souhaitent diluer le Pacs en l’ouvrant aux fratries.

Par Blandine Grosjean pour "LIBÉRATION"

Le 6 octobre 1998

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«En termes de cohérence, c’est n’importe quoi. Le RPR va s’en donner à cœur joie pour dépecer nos reculades successives.»
Une membre de la Commission des lois C’est le cauchemar du député-maire socialiste des champs. Sur le marché du dimanche, des électeurs l’interpellent: «Alors René, comme ça, à Paris, tu votes pour le mariage des pédés?» Si, ce matin, le groupe socialiste décide d’élargir le bénéfice du pacte civil de solidarité aux frères et aux cousins, René pourra alors rétorquer à ses vieux électeurs: «Tu n’y es pas, le Pacs, c’est un truc fait pour toi. Et ta sœur.»

«Frères, veaux, vaches, cochons». Aujourd’hui, le groupe socialiste de l’Assemblée nationale va décider de ce que sera le Pacs, en adoptant ou non l’amendement déja surnommé «frères, veaux, vaches, cochons». Il a été proposé la semaine dernière par Roselyne Bachelot, députée RPR favorable au Pacs mais aussi élue rurale du Maine-et-Loire. Si le PS l’adopte, le Pacs ne sera plus simplement un nouveau statut juridique pour les couples non mariés. La reconnaissance du couple homosexuel sera diluée. Il deviendra alors une mise en commun d’intérêts, sexuellement indifférencié, et, selon certains juristes, devra s’ouvrir à plus de deux personnes. Une sorte de «Gaec» (groupement agricole d’exploitation commune) qu’on signerait alors devant le notaire. A deux jours du débat en séance publique, un objet juridique aux conséquences jamais étudiées verra ainsi le jour.

Le petit groupe de parlementaires ayant travaillé «seul contre tous» pour imposer le Pacs est atterré: «ça risque de passer pour des raisons de service après-vente dans les circonscriptions, déplore Jacques Floch (Loire-Atlantique). Afin de faire passer la pilule, on a fait de plus en plus de compromis, et là on va manger notre chapeau.» «La version sympa de la nouveauté, c’est de vouloir faire rentrer dans le Pacs tous les problèmes de vie quotidienne de nos concitoyens, ajoute Bruno Leroux. La version moins sympa, c’est qu’au PS on n’aime pas ce projet, alors on trouve un autre angle d’attaque, les deux vieilles sœurs, pour noyer la vocation initiale du texte.» Christophe Caresche (Paris) s’y oppose pour des raisons de «cohérence»: «Sur le principe, je ne suis pas contre les fratries. Mais on anticipe sur les réformes de la famille du ministre de la Justice. Et on rentre précipitamment dans une logique qu’on ne maîtrise pas.»

D’autres députés socialistes, à l’opposé, sont prêts à dire oui «si ça permet de ratisser large, de rassurer les collègues réticents, au PS et à droite». Pour certains «libertaires», c’est une conception tous azimuts de la solidarité qui guide leur adhésion. Ainsi Jean-Pierre Blazy (Val-d’Oise) estime que cet amendement «va dans l’esprit de ce que nous voulons faire, ça peut correspondre à un besoin dans le monde rural».

Frayeurs. La Gauche socialiste ne sait plus sur quel pied danser: Yann Galut (Cher), ardent défenseur du Pacs, sait que la modification permettra de noyer la reconnaissance du couple homosexuel. Mais en sa qualité d’élu rural (1), ses intérêts rejoignent les inquiétudes d’autres provinciaux: ceux qui ont toujours pensé que ce texte était un truc de Parisiens, porté par les lobbies homosexuels, et qui ont été effrayés par les récentes déclarations de Jean-Pierre Michel, rapporteur MDC, personnellement favorable à l’adoption d’enfants par les homosexuels. Lors d’une précédente réunion du groupe, le 22 septembre, deux députés avaient mis en balance l’intérêt d’un Pacs familial et… la suppression des commissariats. «Pour nous, les députés ruraux, il est important de faire évoluer la société sans imposer des choses violentes. Cet amendement pourra désamorcer les campagnes qui nous accusent de casser la famille», explique Arnaud Montebourg (Saône-et-Loire).

Gérard Gouzes, député du Lot-et-Garonne, qui déclarait sur tous les tons qu’il combattrait «le projet s’il devait singer le mariage», est aujourd’hui très intéressé par la nouveauté familiale. «Sur le fond, c’est une bonne idée pour désamorcer cette impression de mariage homosexuel.»

Cocktail. La chancellerie tombe de haut. Si l’amendement Bachelot est adopté, tout le travail effectué depuis des mois dans l’optique des couples hors mariage sera à revoir, ou presque. Introduire de la famille dans un texte qui avait tout fait pour s’en écarter poserait des problèmes de droit inédits: le Pacs interférerait sur le régime des successions au sein de la famille. «En termes de cohérence, c’est n’importe quoi. Le RPR va s’en donner à cœur joie pour dépecer nos reculades successives», se lamente une membre de la Commission des lois qui juge «pitoyable» le cocktail de naïveté ou d’hypocrisie qui sous-tend l’amendement Bachelot. Patrick Bloche, le rapporteur du texte, va donc demander aujourd’hui au groupe d’attendre les réformes d’Elisabeth Guigou pour ouvrir le Pacs aux fratries. Sans grand espoir. Par opportunisme ou par malice, Matignon a fait savoir qu’il n’irait pas contre l’amendement «fratries». Comme si un texte à l’eau de rose lui rendait la vie plus facile.

(1) Selon un sondage Ifop/Ex aequo, 49% des Français sont favorables au Pacs pour les homosexuels (67% pour les hétéros). Mais 55% des habitants de communes rurales et 52% des villes de moins de 20 000 habitants y sont hostiles. Sauf s’ils sont sympathisants de la gauche, où les chiffres s’équilibrent.

Source : http://www.liberation.fr/pacs/actu/981006.html
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