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Coup de foudre, coup de coeur !

Envoyé par Ancelot en date du 05 décembre 2000 à 12h54
Bonjour tout le monde,

Je viens ajouter quelques lignes à la question de la semaine sur les "Coup de foudre".

En réponse à la question et compte tenu de ce que je vis depuis plusieurs années, je suis convaincu qu'il est possible de connaître et de vivre le passage du coup de foudre au coup de coeur. Je ne suis tout de même pas naïf à ce point. Bien entendu, il arrive souvent que le coup de foudre prenne justement fin aussi rapidement qu'un autre coup de foudre !

On se dit qu'il s'agit d'une petite histoire momentané dans sa vie. Mais, au fond, tout ça génère de grands espoirs et donne lieu à une triste sensation de vide.

Malgré tout ça, la vie réserve aussi de belles surprises où on se fait prendre comme jamais on ne l'aurait imaginé. L'histoire de l'arroseur arrosé quoi !

Bonne journée à tous(tes). Sourires et "hugs" !

Ancelot.
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Histoire d'un coup de foudre...

Envoyé par Lexilé en date du 07 décembre 2000 à 09h14 en réponse à Coup de foudre, coup de coeur ! (reçu de Ancelot le 05 décembre 2000 à 12h54).

Tu dis Ancelot, ""On se dit qu'il s'agit d'une petite histoire momentanée dans sa vie. Mais, au fond, tout ça génère de grands espoirs et donne lieu à une triste sensation de vide. """

Tu as bien raison et cela m'a rappelé mon premier vrai coup de foudre que je prends le temps ici de te raconter. J'ai tenté de me rappeler le mieux possible de l'événement, mais il y a déjà 17 ans de cela. Ce fut si bon, si beau et si vide, en fin de compte... J'ai modifié les noms et prénoms des gens qui ont été mêlés à cette histoire...
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- On invite Caroline à ton souper samedi ! – m’annonce Sophie sans me consulter et tout en me tirant par le bras vers le bureau de recherche de la professeure Callotin. Cette éminente démographe y détenait une demi-douzaine d’esclaves pour dépouiller des registres paroissiaux utiles à ses recherches sur l’intervalle inter génésique chez les mères canadiennes de la première moitié du XVIIIe siècle. Passionnant, non ? En fait, je n'avais nullement le goût d'inviter Caroline à notre petit souper du Nouvel An, mais Sophie semblait bien déterminée à diluer les crises d'angoisse et les orages d'indignation trop prévisibles de deux de nos compères habituels, Bernard et Charline.

Sitôt que nous entrons dans le bureau de recherche baignant dans la pénombre pour faciliter la lecture des microfilms, Caroline se lève d'un bond et nous reçoit comme des sauveurs ! Pendant qu'elle nous bécote généreusement tout en dénonçant pour une xième fois sa condition de pauvre étudiante exploitée, j'observe derrière elle deux autres larbins agglutinés devant d'une vieille lectrice de microfilm sur laquelle ils s'arrachent les yeux. Mon regard se pose aussitôt sur une blonde nuque masculine reposant sur une superbe paire d’épaules que la voisine du charmant monsieur ne se gênait pas d'écraser de son généreux poitrail sous prétexte de déchiffrer le contenu d’un microfilm :

- Marie-Françoise Fro...ment, Frément.. non Paiment... Attends !... Fille de Jean Raimont. Non ! C’est Frémont... Wo! L'enfant de nannanne qu'il écrit mal... lance l'opulente en appuyant encore un peu plus son buste avantageux sur l'épaule de son voisin.
- C'est Paiment, y'a plusieurs familles de ce nom là dans la paroisse voisine. - lui dit le beau mec d’une voix superbe mais sans enthousiasme. Je dis beau mec car, dans la lumière blafarde de l’écran de la microfilmeuse, je venais d’entrevoir son doux profil, son nez droit et sa bouche à peine ourlée mais ornée d’une blonde moustache. Sophie m'avait déjà parlé d'un beau gars qui travaillait avec elle l'automne précédent - alors qu'elle était elle-même du nombre des esclaves de la Calottin. Elle m’avait même précisé que notre amie Caroline tentait désespérément de le séduire mais sans succès. Avais-je là sous mes yeux ce charmant Jean-François dont même Sophie, lesbienne de son état, savait apprécier le charme et la prestance ? Pendant que Caroline continuait de déballer des banalités que j’écoutais distraitement, je regarde Sophie et lui indique, d'un coup d’œil discret, le couple qui s’affairait toujours devant la lectrice de microfilm sans faire attention à notre entrée en scène.

- Hé! Ginette, Jean-François, toujours dans l'Île-Jésus ? leur lance Sophie avec son plus beau sourire dans la voix.
- Non, répond Ginette avec ironie - on a traversé à Terrebonne, pis on est tombé sur un curé qui travaille comme un vrai cochon. Il écrit encore plus mal que Caroline, c'est pour te dire !
- Connais-tu mon ami Martin ? lui dit Sophie en me présentant d’une main et en ouvrant de l’autre le plafonnier à néon du bureau.
- Oui, tu étais l'assistant de Flaminge au cours de Méthodologie historique - me dit la plantureuse en s’avançant vers moi et me tendant machinalement la main. Son beau compagnon de travail n'avait toujours pas dit un mot, ni même décrocher de son écran de microfilm devenu très difficile à lire sous la lumière crue des néons.
- Il fallait un certain courage pour travailler avec Falminge, lance-t-il soudain, prouvant ainsi qu’il suivait, sans le laisser voir, notre conversation. Il me regardait avec une petite moue un peu hésitante, ce qui lui donnait un charme fou.. J’en tremblais.

- Je ne me prononcerai qu’en présence de mon avocat, lui rétorquais-je, bêtement, en riant sans pouvoir quitter son léger sourire des yeux. J'étais totalement subjugué par la douceur de son long visage aux pommettes bien dessinées, les mèches blondes qui débordaient sur son front et surtout, surtout sa fine moustache, encore et pour toujours. Sans même avoir jeté un coup d’œil sur son physique général, j’étais conquis. Il aurait pu être ventru, manchot, boiteux, bossu, poilu comme un ours, son doux profil, me rappelant la photo de St-Denys-Garneau qui ornait ma chambre.


(source "http://www.franceweb.fr/poesie/st-denis.jpg")


Sa voix profonde et ses yeux bleu gris suscitaient en moi un léger, doux et inoubliable frisson qui prenait de plus en plus d’ampleur entre ma chair et ma peau. Rien à faire ! La foudre amoureuse, ça existe. Je l'ai encaissé de plein fouet ce jour là.

J’ai eu soudain l’envie irrépressible d'inviter ce ravissant Jean-François à mon souper du Nouvel An. 1983 avait déjà plus d’un mois, mais je n’avais pu tenir ma petite réunion amicale traditionnelle pour souligner la rentrée universitaire pour la session d’hiver. Le tout aurait dû avoir eu lieu le 7 janvier, mais le 6 au matin, mon bon grand-père avait décidé d'en finir avec une vie longue et turbulente. J’avais donc du remettre encore plus tard qu’à l’habitude nos réjouissances estudiantines. Je voyais maintenant là un heureux coup du sort qui me permettrait peut-être d’établir contact avec un charmant monsieur, fort populaire auprès de ces dames, mais chez qui, dès le premier coup d’œil, je devinais - ou j’espérais - une fragilité… une certaine ambiguïté… ou une quelconque inconsistance dans… disons, sa condition masculine ! Sans plus réfléchir et sans consulter Sophie, je lance une invitation à Caroline et à ses deux collègues.

- Samedi, on fête le Nouvel An chez-moi ; voulez-vous vous joindre à nous ? Y'aura moi, Sophie, Bernard Desjardins, Charline Lavoie, Huguette Jetté et vous trois. Ce serait super, vous connaissez tout le monde déjà.
- Super ! enchaîne Caroline en prenant le beau Jean-François par le bras... Tu vas venir ! On va avoir du fun...
- Moi, je peux pas, j'ai un party de famille, le 50ième de mes grands-parents ! nous annonce Ginette, l'air piteux. Je parviens à peine à contenir un petit sourire de satisfaction, mais Jean-François semblait hésiter sérieusement. Finalement, il avoue n'avoir rien de planifier pour ce samedi soir et Caroline conclue l’affaire en lui disant qu’il ne peut pas refuser de l’accompagner. Je l’aurais étripée, la gueuse, mais je me suis simplement contenté de leur donner les détails pour se rendre chez moi.
- Vous vous amenez pour 18h30 avec une bouteille de vin rouge au 3210A Préfontaine, au troisième, en haut à gauche. Métro Prétontaine, naturelly ! C'est à deux minutes de la station.
- On va y aller ensemble, ajoute Caroline le sourire aux lèvres. Elle n’avait apparemment pas du tout renoncé à l’idée de mettre ce beau brummell dans son lit, si je me fiais à son sourire et à l’espoir qui résonnait dans sa voix.

Il me faut reconnaître qu’elle avait une bonne longueur d'avance sur moi. Primo, elle travaillait avec lui depuis septembre ; secundo, il était normal qu'une donzelle puisse faire publiquement du plat à un aussi délicieux damoiseau. Je ne m'avouais pas vaincu pour autant, mais il me fallait pour le moins entrer dans la joute, ne serait-ce que pour vérifier si mon homme-foudre marchait à voile ou à vapeur. Et ça, ce n'était pas évident à réaliser puisque moi-même j’avais encore du mal à cette époque à afficher mes propres couleurs ouvertement. J’étais en fait moi-même à peine sorti du placard.

Sitôt éloignés de la salle des tortures de Mme Callotin, je demande à Sophie s'il s'agit bien du garçon que Caroline tentait désespérément de séduire.
- Oui, c'est lui, mais je pense qu'elle perd son temps.. il est pas...
- Pas ?
- Branché… pas très clair en fait, trop bon gars pour être straight.
- Comme si tous les straights étaient d’une limpidité empreinte de méchanceté…
- Bein non, mais les straights se gênent pas pour parler de leurs conquêtes féminines, pour cruiser ou annoncer ses préférences. Lui, c'est silence, même quand Miss Fraise entrait dans le bureau pour nous empester avec son gros parfum puant sortant de son décolleté provocant, y relevait même pas la tête. Sont rares les vrais mâles indifférents à Marie-France Brunelle…
- Je connais même des filles qui résisteraient pas, hein !!! lui dis-je en riant. Mais en fait, il est peut-être simplement allergique au parfum ou au genre poupounne !
- Bah! Tout est possible, mais il me semble plutôt à rien... ni pour elle, ni pour lui !
Je me suis retenu de partager avec elle mon émoi, ni surtout mes espérances à l'égard du beau Jean-François, par manque total de confiance en moi, mais aussi sans doute pour ne pas me faire dire que je courais vers un échec certain qui me ferait plus de mal que de bien. Sophie avait le chic pour mettre le doigt sur ce genre de piège. Mais je ne voulais surtout pas l’éviter.
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Lexilé, la suite S.V.P.

Envoyé par Ancelot en date du 07 décembre 2000 à 12h48 en réponse à Histoire d'un coup de foudre... (reçu de Lexilé le 07 décembre 2000 à 09h14).
Bien le bonjour "Lexilé",

Comment vas ?

Ton histoire est vraiment intéressante. Ma foi Dieu, tu écris bien et tu es presqu'en prose !

Par pitié (!) et pour m'aider à ne pas me sentir comme celui qui regarde un film sans rester jusqu'à la fin, racontes-moi la fin de ton histoire.

Vite, vite ! On s'en reparle.

Ancelot.
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Dès que possible...

Envoyé par Lexilé en date du 08 décembre 2000 à 09h50 en réponse à Lexilé, la suite S.V.P. (reçu de Ancelot le 07 décembre 2000 à 12h48).
Je suis très occupé en ce moment, et j'ai besoin d'un peu de temps pour poursuivre mon récit, ne serait-ce que de relire mon journal intime de cette année là..;o) Mais je te promets la suite. Je te remercie de m'avoir fait connaître ton intérêt ; c'est toujours encourageant de savoir que d'autres internautes s'intéressent à nos messages. À bientôt !
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Avec le temps...

Envoyé par Ancelot en date du 08 décembre 2000 à 12h37 en réponse à Dès que possible... (reçu de Lexilé le 08 décembre 2000 à 09h50).
Rebonjour cher "Exilé"

Je me languirais dans l'attente...

À la prochaine.

Ancelot.
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Petite suite...à l'histoire d'un coup...

Envoyé par Lexilé en date du 12 décembre 2000 à 11h44 en réponse à Avec le temps... (reçu de Ancelot le 08 décembre 2000 à 12h37).
Journal du 13 janvier 1983

« « Encore une fois la folie douce de l’amour me saisit et m’étreint. Depuis la rencontre de Jean-Marie, je n’avais jamais connu pareille excitation, pareil fol espoir et peur de déplaire. Jean-François, que je n’ai vu qu’une fois dans ma vie, dont j’ignore quasiment tout si ce n’est qu’il est mince, blond, moustachu, renommé intelligent, qu’il émane de lui plein de douceur et de sagesse, ce même Jean-François envahit mon esprit, obnubile mes moindres gestes. Toute la soirée sera conçue en fonction de lui, pour lui. Inutilement. Sophie m’a prévenu qu’il ne viendrait sans doute pas, car son intérêt pour mon invitation lui a semblé plutôt froid. Caroline l’excusera sans doute et mon cœur s’effondrera comme un château d’Espagne.

Jean-Claude, Jean-Marie, Jean-François. Trois Jean, trois amours perdus ! Le premier m’a rejeté, le second doit s’exiler, le troisième ne peut que m’ignorer. Je ne sais même pas s’il s’intéresse aux hommes : je n’ai qu’un simple doute et beaucoup trop d’imagination. Chante Daniel Lavoie! Chante ma stupidité ! Vivement la vie, filons au large de nos angoisses d’aimer et d’être aimé, filons vers l’île. Qui sait qui m’y attend ? » »
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L’état d’ébriété dans lequel je me suis retrouvé le samedi suivant est indescriptible. J’étais saoul, saoul d’amour, saoul de désir, saoul de peur. Peur du rejet. Je m’épuisais dans les préparatifs, m’éparpillant encore plus qu’à l’habitude, entreprenant dix choses en même temps sans jamais en finir une avant d’en amorcer une nouvelle. J’avais honte de mon petit logis d’étudiant, mon mobilier de fortune, mes caisses de contre-plaqué que mon père avait bricolés pour mon salon et les coussins de jersey moussu que ma mère avait patiemment cousus pour compléter l’ensemble. Je regrettais les murs couverts de posters bon marché, ma cuisine de la belle époque, ma salle de toilette miniature avec son affreux bain sur pattes, sans douche !

Jean-François habitait certes chacun de mes gestes, mais sans cesse je raisonnais pourtant ma folie : « Qui es-tu pour prétendre à son « désir » ? Un petit gros, déformé par les régimes minceur qui m’ont laissé les chairs molles, comme disait grand-mère, tout autour de la taille. Pas d’épaules, pas de bras et un gros nez, gros comme la Terre chaque fois que j’aborde un homme qui m’intéresse. Cette indubitable preuve de mon lignage paternel, source d’assurance de ma légitimité, mais oh! combien difficile à assumer en situation de séduction ! Un nez royal, un nez Bourbon, un nez, un nez, comme Cyrano seul savait proclamer la grandeur, sans pourtant, lui-même oser l’imposer à l’objet aimé.

Le six-pâtes du Lac-St-Jean cuisait lentement au four, la table était coincée dans la cuisine entre le vieux lavabo, l’énorme "frigidaire" Roy et son magistral cousin, le beau poêle Bélanger. Une fois tous assis, personne ne pourrait bouger à part moi pour aller de la table au fourneau. Sophie se pointe pour m’aider dès 17h30. Elle s’informe de mon état d’âme, mais je refuse d’en parler. Je suis superstitieux. J’ai peur de nuire à mes chances en exprimant des attentes. Et puis les autres devraient arriver sous peu, y compris Huguette, notre éternelle retardataire, à qui j’avais donné rendez-vous dès 17h00 pour l’apéro, sachant qu’elle n’arriverait qu’à 18h00 selon sa trop prévisible et déplorable habitude. Mais Sophie avait tout deviné, elle aussi selon sa trop prévisible habitude. Elle me pris soudain par les épaules et me serra très fort tout contre elle :
- T’en fais pas, mon beau, il va venir ton beau Jean-François. Mais de grâce, fais-toé pas d’illusions, fais-toé pas d’idées. Laisse-le temps arranger les choses.

Sur l’entrefait, Huguette entre en coup de vent..
- Excusez-moé, j’m’excuse, chu encore en retard…
- Bein non! Huguette, t’es juste un peu en avance, les autres sont tous en retard.. lui dit Sophie, complice de mon petit calcul amical.
Huguette nous regarde un peu surprise, ébahie, mais toute souriante de satisfaction :
- Pour une fois que je vais voir les autres arriver en retard… oubliant qu’elle était attendue pour 17h00 alors que l’horloge indiquait à peine 17h45 lorsque Caroline et Jean-François firent leur entrée.


(la suite sera dans le bab LE PLAISIR DES MOTS)
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