UNE ANALYSE CRITIQUE DE L'HÉTÉROSEXUALITÉ
Hétérosexualité et homosexualité sont des catégories historiquement et socialement construites. Dans le cadre de cette bi-catégorisation, l'hétérosexualité est pensée, dans les divers discours dominants, comme un fait de nature, la norme, ou le fait majoritaire, et l'homosexualité comme une anormalité, une déviance, une marginalité, un fait minoritaire. Même si des homosexuel(le)s se servent de ces catégories pour se nommer, légitimer leur existence, faire reconnaître leurs droits, voire affirmer une transgression radicale des valeurs dominantes, les accepter sans discussion fait obstacle à une analyse critique du « dispositif de sexualité » et surtout de la construction de la sexualité dans le cadre du système de sexe et de genre.
Car le fond de la question est bien là : les rapports sociaux de sexe, les rapports de pouvoir entre hommes et femmes, dans le champ public comme dans le quotidien et le privé. D'où l'insistance des lesbiennes féministes et radicales à souligner que le lesbianisme n'est pas seulement une forme de désir et une pratique sexuelle, mais une résistance, un choix d'autonomie, questionnant la construction de la catégorie « femme ». Cependant si le lesbianisme est dans le système de sexe et de genre une pratique de résistance, il est aussi une catégorie du dispositif de sexualité. L'affirmation d'une identité lesbienne peut donc conforter cette construction des catégories de sexualité, voire dériver vers une idéologie identitariste ou communautariste ; mais le refus de cette affirmation laisse intact le système de pouvoir. Cette tension est vécue par ces lesbiennes, prises entre le désir de vivre une singularité et en même temps de s'affirmer comme des êtres humains ayant une visée universelle, comme elle est d'ailleurs vécue par les autres groupes, « minoritaires ». Il serait possible cependant, comme le suggère Monique Wittig, « d'universaliser le point de vue minoritaire » et de vivre cette tension dialectiquement comme un appel à la liberté, aux mises en question, à la déconstruction/destruction des catégories de sexe, et donc de sexualité. Et si le féminisme ambitionne d'analyser et de combattre l'oppression et l'exploitation des femmes en ce qu'elles font système, il lui faut analyser la place qu'y occupe ce qui est construit comme « la sexualité ». Donc, en renversant la perspective courante, problématiser l'hétérosexualité comme institution, ce qui peut être fait par tout féministe, quels que soient son sexe et sa sexualité. Des analyses en ce sens existent, trop peu encore.(...)
Claudie Lesselier
http://www.casti.com/FQRD/texts/politique9707/lesselie.html
DÉFINITIONS ;o)
Hétérosexualité: Orientation sexuelle caractérisée par des fantasmes, des désirs et des conduites majoritairement dirigées vers des personnes de l'autre sexe.
Hétérophobie: Peur exagérée de l'hétérosexualité comprenant une répulsion à l'égard des fantasmes, des désirs et des conduites hétérosexuelles et pouvant se traduire également par des attitudes négatives, voire discriminatoires, envers les individus d'orientation hétérosexuelle.
Fantasme sexuel: Imagerie mentale qui provoque généralement de l'excitation sexuelle ou qui l'accompagne. Peut s'écrire aussi phantasme.
Ambisexualité: Coexistence égale, simultanée ou successive et sans préférence, des conduites homosexuelles et hétérosexuelles, avec une fantasmatique d'abord axée sur la situation sexuelle plutôt que sur le sexe du ou de la partenaire.
LEXIQUE D’ÉLYSA
http://www.unites.uqam.ca/dsexo/lexique.htm
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