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Il y a toucher et toucher...

Envoyé par GDMANIMA en date du 23 février 1999 à 17h54
DE LA TRIBOLOGIE DU TOUCHER...

http://www.editions-hermes.fr/p1805011.htm


PLAIDOYER POUR LE TOUCHER : CORPS ET TOUCHER
http://www.psychic-healing.com/touch/conf.html


DE LA MAIN (extrait)

Le toucher a pour définition : l’un des cinq sens pour lequel nous percevons par contact ou palpation certaines propriétés physiques du corps.
Quant à toucher il est défini de la façon suivante :

mettre la main sur,
se mettre en contact avec quelqu’un quelque chose,
être en contact avec, mettre la main en contact avec,
atteindre dans sa sensibilité,
entrer en communication,
avoir des liens de parentés avec,
apporter un changement à,


(...)Comment gérons-nous les interdits du toucher omniprésents dans notre culture ?

Essayez donc de garder plus de trois secondes la main de votre interlocuteur dans la vôtre lors d’un chaleureux bonjour, essayez de poser une main réconfortante sur l’épaule de cet autre connaissance pour mieux entendre ou mieux se faire entendre, essayez de prendre par le bras, de guider cet homme, cette femme qui cherche sa voie, essayez d’enlacer cette personne en recherche de soutien, essayez de donner l’accolade à ce collègue ou ce patient avec lequel vous venez de partager un moment de travail efficace et réussi.

Dans toutes ces situations, vous faites intrusion dans un territoire intime et votre geste, est vécu comme une agression , une attaque sans déclaration de guerre. Les réponses auquelles vous aurez droit peuvent aller du geste de recul discret à une attitude fuite mal contrôlée voire une insulte pour harcèlement parfois accompagné d’un toucher rapide et brutal appelé dans certains manuels “crochet du droit ou claque japonaise” selon la forme d’utilisation de la main. Cette communication que vous avez souhaité établir s’est accompagnée d’un langage silencieux qui ne s’arrête pas aux limites du corps, vous avez pénétré un espace symbolique intime. Chacun d’entre nous a des territoires dont il a défini les frontières au cours de son histoire, de son vécu corporel. Ces territoires symboliques décrits par E.T.HALL sont schématiquement au nombre de quatre. Ce sont :

le territoire publique dont le registre est le charisme,
le territoire social dont le registre est la neutralité,
le territoire personnel dont le registre est la connivence,
le territoire intime dont le registre est la confidence et dont le toucher est un des outils difficile à manier.


C’est surtout dans ces deux derniers espaces symboliques que s’inscrivent les actes et gestes kinésithérapiques et l’on entrevoit aisément la difficulté de certains patients à vivre ces touchers indispensables à l’évolution de leurs traitements par des mains expertes à qui l’on ne peut presque rien cacher.

Chacun de ces espaces a des frontières, donc un dedans et un dehors, des amis et des intrus. L’individualisation croissante de notre société à laquelle nous assistons fait que ces espaces tendent à s’élargir. Le langage corporel base de toute communication humaine tend à se réduire à sa plus simple expression rendant plus difficile pour les malades d’exprimer des objectifs à leurs soins et n’espérant souvent pas grand chose de nos rééducations si ce n’est (et ce n’est pas rien) une disparition des phénomènes douloureux associés aux pathologies qui les ont conduits à nous rencontrer.

LA MAIN : c’est la partie du corps située à l’extrémité du bras, l'organe du toucher et de la préhension avec ses cinq doigts dont l’un (le pouce) est opposable aux quatre autres doigts.

La main est capable de combiner une infinité de mouvements. En cela elle se distingue de la machine. En fait, ce sont les combinaisons qui sont infinies, non les mouvements. De même que la colonne vertébrale peut décrire une infinité de courbes dans des limites très étroites de sa mobilité, les vingt sept pièces osseuses de la main peuvent combiner une infinité d’angulations mais dans des secteurs petits et avec des limitations étroites. Car non seulement ces vingt sept degrés de liberté sont limités par les dimensions, les forces et amplitudes de chaque articulé digital, mais même à l’intérieur de ce système, le jeu de chaque doigt est limité par la position de ses voisins et du poignet.

La main est l’organe du toucher par excellence mais il n’est pas le seul, les deux mètres carrés de peau de notre corps aussi. Mais la main est l’organe des sens le plus mobile dans l’espace. A un moindre degré, le pied n’est pas à oublier.
Organe du toucher, les mains donnent et reprennent la vie.

Ce sont les mains qui sont indispensables pour couper le cordon ombilical, pour porter l’enfant, le nourrir, et l’accompagner dans toutes les étapes de son développement psycho-sensori-moteur. Sans des mains caressantes, fermes, sensibles, l’enfant ne progresse pas et l’on connaît les conséquences de ces enfants sans amour.

Les mains nous accompagnent dans la mort, elles sont souvent les dernières caresses ou les derniers contacts de celui qui passe à l’orient éternel. Les mains lavent, habillent le corps et le transportent à ce lieu quelqu’il soit qui nous sépare définitivement du monde des vivants.

Mais que seraient-elles sans leur association aux paroles avec lesquelles elles sont le plus souvent partenaires ?

C’est un lien interactif qui prend valeur d’échange, de dialogue. Les mots seraient alors un élément essentiel pour permettre la distinction des êtres, leur séparation dans la fusion qui est suggérée par le toucher. Les mots seraient créateurs de liens.

Nos mains peuvent nous apparaître comme parfaites, comme tout autre organe ou organisme puisque toutes ses parties sont en convenance complexe entre elles et avec l’ensemble de l’être que nous sommes. Mais ne serait ce pas une perfection partielle ? Ne ferions-nous pas souvent la confusion entre la main et l’œuvre des mains ?

Si nos mains étaient différentes, nos œuvres ne le seraient pas car seuls nos outils seraient adaptés différemment. Ainsi, on peut dire que la main est une perfection limitée, mais l’œuvre des mains est peut-être illimitée mais imparfaite. car s’il y a plusieurs façons de bien faire avec ses mains il y a encore plus de façons de mal faire.

En notre fin de siècle, même si nos mains étaient des tentacules, ou des pinces nos outils ne seraient probablement pas différents de ce qu’ils sont ; puisque de plus en plus ils nous échappent et travaillent tout seuls.

Paradoxe de cette fin de siècle, parmi les outils manipulateurs le plus en retard c’est précisément celui qui remplacerait la main : la prothèse.

La main en hébreu, nous dit Annick de Souzenelle, se dit “YAD” ; c’est la lettre “YOD” du tétragramme, elle est liée à la connaissance “YADA” en hébreu, qui signifie je connais mais aussi j’aime. Il s’agit pour les hébreux de la connaissance expérimentale, celle que l’homme prend de la femme qui porte l’enfant la première et le fait naître, celle que tout homme prend de tout élément de la création.
De tout élément du “MA” précise de Souzenelle en le pénétrant dans la profondeur de son mystère, c’est à dire, dans ce qu’il recèle en tant qu’appartenant au monde du “MI”. Le “MA” et le “MI” désignant l’extérieur et l’intérieur des choses, l’écorce ou la surface de la peau qui appartient au domaine de la manifestation et la pulpe qui conduit au noyau à l’être intérieur.

La racine “MA” est la racine mère de tous les mots signifiant la manifestation tels que matières, maternel, main, humain, maintenant, etc.
La racine “MI” trouve sa correspondance en grec dans la racine “MU” qui a permis la formation de mots illustrant le monde des archétypes tels que fermer la bouche, se taire et être initié.
Ces racines ont donné en Français des mots tels que muet, mystère, et aussi mythe.
S’ils sont distincts, cet intérieur et cet extérieur ne sont jamais séparés et le symbole les unirait. Séparés, que resterait-il d’humain dans cette peau séparée de son noyau.

Ainsi, si le symbole unissant l’homme dans le monde et le monde de l’homme, la main dans tous ses actes, ses gestes et fonctions ne serait plus seulement une main en soi, un organe en soi, effecteur du cerveau, un segment de membre mais une main en moi, en nous ?

Les mains ne sont pas une partie de nous qui gesticule, elles sont nous qui nous exprimons, elles sont notre moi. La main qui touche, est touchée et plus exactement est touchée par ce qu’elle touche. Permettrait-elle de résoudre le problème de soi et de l’autre ?
Comparer à l’œil, un autre organe des sens très riche, l’œil n’a pas d’œil pour regarder la rétine, ni de doigt pour en tâter l’image. Quand l’œil contemple une illusion, aucun doigt ne peut vérifier sur la rétine l’absence d’image ; tandis qu’une main qui toucherait une illusion ne se sentirait pas touchée par elle. La main se sent elle-même d’une sensation de même nature que celle par laquelle elle sent les choses.

Ainsi dans un instant aussi rapide que l’œil voit la forme et la couleur à la fois, la main sent et sait ce qui est alter et ce qui est ego, l’un est senti et ne se sent pas, l’autre sent et est senti. La main qui touche est un acte volontaire, contrairement aux quatre autres sens qui proposent un monde donné, la main se donne au monde. La main touche l’autre en tant que partie du monde et en tant que volonté dans le monde.

La main est seule à permettre à l’homme le pouvoir de référence à soi-même et de distinction de soi-même. Ce pouvoir donne au toucher une force particulière de conviction. Ne doit-on pas croire plus volontiers ce qu’on touche de soi que ce qui apparaît à la vue ? Certes tous les sens enrichissent notre intelligence sensible dans ce travail sur soi et pour les autres. Par le toucher, grâce à la main, c’est toute la sensibilité qui est sollicitée, (pardon pour les scientifiques et autres psychanalystes) celle de la physiologie inférieure, du corps et celle de la physiologie supérieure, de l’esprit.

La connaissance de l’autre ou d’un objet par les quatre autres sens est l’objet d’une intégration dont les connections cérébrales sont le relais obligatoire. Pour la connaissance par la main les corrélations se font sur place. La main pense et agit par elle-même.

Le toucher est un instrument de connaissance de soi et de communication par les questions, les réponses, le palper, l’information, l’échange, qui se font d’un doigt à l’autre dans un vrai dialogue total.

Anaxagore nous dit que l’homme est le plus intelligent des êtres parce qu’il a des mains le débat s’est ouvert lorsque Aristote lui a répondu qu’il a des mains parce qu’il est le plus intelligent des êtres.
A vrai dire, les fonctions de la main ne seraient-elles pas celles de l’intelligence elle-même ?

Langage corporel : Ce serait la prise de conscience de son propre corps et la façon dont s’exprime cette prise de conscience. Le langage corporel c’est aussi l’ensemble des mouvements conscients et inconscients qui animent le corps ou les segments du corps. c’est un moyen d’expression non-verbale et de relation avec le monde extérieur que le corps et le geste mettent à la disposition de l’homme. Ce langage suppose que deux protagonistes se trouvent en présence : celui qui émet et celui qui reçoit ; l’un et l’autre devant être susceptibles de comprendre.
Ce langage est donc fait de mouvements qui signifient bouger au sens large et de gestes qui signifient expression , manifestation. Le geste serait un mouvement signifiant. Si l’on considère que le langage non-verbale est certainement plus ancien que la communication verbale, la parole, aurait-elle été donnée à l’homme pour cacher sa pensée ? Quelle conscience nos patients ont-ils de leur corps et de son langage ? N’ont ils intégré que des co-verbaux ?

La conscience : Elle serait d’après le dictionnaire le sentiment de soi-même, ou le mode de sensibilité générale qui nous permet de juger de notre existence : c’est ce que les métaphysiciens nomment la conscience de moi.
La conscience est aussi le sentiment intime, immédiat, constant de l’activité du moi dans chacun des phénomènes de sa vie morale telle est la définition donnée par le dictionnaire des sciences philosophiques. Je vous ferai grâce de la définition religieuse (le sentiment des fautes commises). Je ne m’aventurerai pas plus dans la définition neuro-anatomique qui reste encore une notion trop floue et essentiellement psychologique ; mais je reprendrai ces quelques phrases de Molière :
- Mais, Monsieur, mettez la main à la conscience , est-ce-que vous êtes malade ?
Ainsi dans le malade imaginaire, Molière situe la conscience au niveau du cœur. La main posée sur la conscience permettrait-elle de s’examiner de bonne foi ?
Ne mettons-nous pas la main sur la conscience pour affirmer parfois ce que nous avons à dire, pour être sûr que nos propos sont entendus ?

Jean-Pierre ZANA
M.C.M.K., responsable du module de psychologie
Efom Paris

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