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NOUVEAU CRIME... Vos commentaires s.v.p.

Envoyé par GDMANIMA en date du 20 novembre 1998 à 09h34

(source http://www.colba.net/rgmag/gif/logroug3.gif)

Certains crimes tombent en désuétude : avortement, suicide, homosexualité, mais d'autres prennent forme ou présentent un tout nouveau visage. Je vous recommande tout particulièrement de lire jusqu'à la fin et de nous faire part de vos commentaires sur la conclusion.

Un autre article intéressant de RG :

Juridique - VIH


La possible criminalisation de la transmission du VIH
L'affaire Cuerrier: rétablissons les faits


par Johanne Leroux, avocate à la Clinique juridique du CPAVIH

Dans notre édition du mois passé, nous avons publié un texte du Réseau juridique canadien VIH-SIDA qui commentait le dernier verdict de la Cour Suprême du Canada, qui en apparence, ouvrirait la porte à la criminalisation de la transmission volontaire du VIH. Nous publions ce mois-ci un texte reçu de Me Johanne Leroux, avocat à la Clinique juridique du Comité des personnes atteintes du VIH.

Le 3 septembre dernier, la Cour Suprême du Canada a ordonné un nouveau procès dans l'affaire Cuerrier, acquitté d'une accusation de voies de fait après avoir eu des relations sexuelles sans aviser ses partenaires qu'il était porteur du virus du sida.

Les faits

Colombie-Britannique, 1992. Une infirmière annonce à Cuerrier qu'il est séropositif et l'informe des précautions à prendre et de son devoir de divulguer son état de santé à sa ou ses partenaires sexuels. Or, Cuerrier habite une petite municipalité et désire préserver la confidentialité de son état de santé. Quelques mois plus tard, il entreprend une relation sexuelle avec une femme et a avec elle des rapports sexuels non protégés sans lui divulguer sa séropositivité et ce, malgré diverses conversations sur les MTS et leurs dangers.

Après plusieurs mois de fréquentations, le couple subit un test de dépistage du VIH. On les informe que Cuerrier est séropositif et que sa compagne est séronégative, mais qu'elle devra passer d'autres tests et qu'ils doivent dès lors avoir des rapports sexuels protégés. Qu'importe, Cuerrier ne désire pas porter de condom et sa partenaire, craignant de perdre son amant, continue d'avoir des relations sexuelles non protégées pendant plus d'une année. Plus tard, Cuerrier rencontre une autre femme et, dès leurs premières relations sexuelles, cette dernière lui fait part de ses craintes face aux maladies transmissibles sexuellement. Cuerrier ne lui dévoile pas qu'il est séropositif pour autant. Après un certain temps, la nouvelle conquête apprend que Cuerrier est séropositif. Ce dernier s'excuse et admet qu'il aurait dû lui en parler. Sa partenaire porte plainte, subit des tests et reçoit un diagnostic négatif.

Le verdict

Les juges de la Cour Suprême n'ont pas déclaré Cuerrier coupable, mais ils ont décidé à l'unanimité qu'il devait subir un nouveau procès en cour criminelle sous des accusations de voies de faits graves.

Le noeud de l'affaire Cuerrier réside dans le consentement valide et éclairé des partenaires sexuels de la personne atteinte du VIH (PAVIH). La Cour Suprême a déterminé qu'il y avait eu fraude de la part de Cuerrier de ne pas divulguer sa séropositivité, fraude qui aurait vicié le consentement de ses partenaires.

De plus, certains juges de la Cour Suprême sont d'avis que le droit criminel peut, dans certains cas, être efficace pour permettre d'assurer une protection adéquate à la population. «Le droit criminel peut avoir un rôle à jouer à la fois pour dissuader les personnes infectées par le VIH de mettre en danger la vie d'autrui et pour protéger le public contre des individus irresponsables qui refusent de se conformer aux ordonnances de la santé publique leur enjoignant d'éviter les activités à risques élevés.»

L'aspect technique

La question centrale débattue par les juges de la Cour Suprême était celle de l'interprétation à donner au mot «fraude» employé à l'article 265 (3c) du Code criminel. L .R.C. (1985), ch. C-6. Comme ce mot n'est pas défini dans le Code criminel, il appartient aux tribunaux de l'interpréter conformément aux principes établis en matière d'interprétation législative. Cette interprétation doit refléter l'intention du législateur et reposer sur une appréciation du contexte du Code criminel tenant compte des objectifs particuliers du régime de voies de faits visé par la disposition relative à la fraude.

C'est précisément cette interprétation du mot «fraude» qui a fait l 'objet de la décision de plus de 40 pages dans l'affaire Cuerrier. Bien que tous les juges arrivent à la même conclusion quant à l'ordonnance d'un nouveau procès, ils ne partagent pas les mêmes voies pour y parvenir.

Certains d'entre eux adoptent une interprétation stricte et rigoureuse de la viciation du consentement et de la fraude et d'autres adoptent une interprétation large et libérale comme celle de madame la juge L'Heureux-Dubé que nous citons:
«Puisque le législateur a, au moyen des dispositions en matière de voies de fait, accordé une vaste protection à l'autonomie individuelle et à l'intégrité physique afin de sauvegarder le droit de chacun de décider à quelles conditions il peut être touché par autrui, il n'appartient pas à notre cour de restreindre cette protection de crainte qu'elle aille trop loin dans la vie privée des gens. Un aspect de cette vie privée appartient à un plaignant dont le sentiment d'avoir été violé physiquement et privé frauduleusement du droit de refuser son consentement justifie la protection et la condamnation prévues par le Code criminel.»

L'effet de cette affaire sur les personnes vivant avec le VIH

Tout le débat réside dans la criminalisation de la transmission du VIH et la protection du public contre le virus par le droit criminel. À l'heure actuelle, il est du ressort de la Direction de la santé publique de faire respecter les lignes directrices de santé préventive et de responsabilisation de toute la population canadienne.

La criminalisation spécifique des actes des PVVIH amènerait selon nous une fausse impression de protection par le droit criminel des victimes potentielles du VIH et une stigmatisation encore plus grande des PVVIH.

Aussi, nous croyons qu'il appartient à chaque individu de pouvoir conserver la confidentialité quant à son état de santé et à chacun d'entre nous de se protéger et de protéger nos partenaires sexuels.

VOS COMMENTAIRES S.V.P. SUR CETTE DERNIÈRE PRISE DE POSITION

RG NUMÉRO 194 NOVEMBRE 1998


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