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Petite lecture...

Envoyé par GDMANIMA en date du 20 novembre 1998 à 09h36

(source http://www.colba.net/rgmag/rg192/pgcv.jpg)

Un texte intéressant tiré de RG, septembre 1998:



Les activités sexuelles en public:
Entre le fantasme et l'indécence


par Me Stéphane Gendron, avocat

Pour un bon nombre de personnes, l'exhibitionnisme et le voyeurisme constituent une part importante de l'activité sexuelle. Ces deux catégories peuvent aller de la simple exposition du corps en public jusqu'à la pleine activité sexuelle avec un ou plusieurs partenaires. Ces activités, lorsqu'elles ont lieu en public, peuvent être fortement controversées et entraîner des interventions policières et des arrestations immédiates. L'interprétation du Code criminel canadien par les juges est parfois sévère, parfois libérale, lorsque vient le temps de sanctionner ces comportements.

Depuis la fin des années soixante, le Canada a modifié radicalement le Code criminel afin de mettre un terme à toute intervention policière durant le déroulement d'activités sexuelles entre adultes consentants pourvu que celles-ci aient lieu dans un lieu privé. Un lieu privé est un endroit non-accessible au public en général et ne permet pas une exposition ou un accès à des gens de l'extérieur. Une chambre à coucher, un appartement ou une maison sont des exemples de lieux dit privés. Ainsi, plusieurs personnes pourraient se regrouper à la résidence d'un individu et avoir des activités sexuelles sans craindre une intervention, à moins bien sûr que cette activité soit visible de l'extérieur. Mais quelle interprétation les tribunaux ont-ils donné à la notion de lieu public?

D'une manière générale, on peut définir un lieu public comme étant un endroit accessible par toute personne, sans distinction particulière. Un centre commercial, un parc, une église, un cinéma, le Parlement ou une station-service sont autant d'endroits pouvant être qualifiés de publics. Un jugement intéressant du Québec (1985) a même fait la nette distinction entre les toilettes privées et publiques. Ainsi, une salle de toilette dans une maison privée doit être considérée comme un endroit privé et une salle de toilette d'un complexe commercial, par exemple, et qui est accessible aux personnes de la société en général, doit être considéré comme un endroit public (La Reine c. Whissel, 1985). Toute activité sexuelle dans ces endroits, y incluant la simple masturbation solitaire, est proscrite par les tribunaux.

Dans la même veine, les tribunaux ont considéré qu'un endroit détenant un permis d'alcool fait de ce lieu un endroit public. Ainsi, il serait interdit de s'engager ouvertement dans des activités sexuelles sans violer l'article 173 qui proscrit toute action indécente dans un endroit public. Un club se présentant comme privé et admettant sa clientèle sur carte de membre mais détenant un permis d'alcool d'une autorité publique pourrait être considéré comme un lieu public, empêchant ainsi le déroulement d'activités sexuelles, et ce même entre adultes consentants.

Maintenant que nous avons défini plus exactement la notion d'endroit public, il s'agit de déterminer si une activité sexuelle particulière ayant lieu dans un endroit public peut être sanctionnée en fonction de son indécence, de son immoralité ou de son obscénité. Depuis 1985, la Cour Suprême du Canada s'est constamment basée sur le critère objectif de tolérance de la société canadienne afin de déterminer si une situation devait être considérée indécente, immorale ou obscène (Pelletier c. La Reine). Par exemple, le simple spectacle de danseurs nus dans un bar spécialisé détenant un permis d'alcool ne serait pas contraire aux prescriptions du Code criminel canadien. Par contre, le fait d'offrir, dans un lieu similaire, des spectacles de relations sexuelles entre individus serait sans doute examiné de près par la police. Il en va de même pour des activités sexuelles possibles entre clients fréquentant certains bars spécialisés. Et la question des saunas ? Bien que, pour des raisons politiques, la surveillance policière soit actuellement plus relaxe à Montréal, les tribunaux ont toujours considéré ceux-ci comme des endroits publics et ont continuellement condamné les activités sexuelles qui se déroulaient dans les aires communes tels le bain tourbillon, les couloirs, la piscine et le sauna. Par analogie, il en serait de même pour des camps naturistes où l'engagement dans des activités sexuelles serait une infraction au Code criminel.
Actuellement, les critères de tolérance de la société canadienne ne permettent pas l'activité sexuelle pleine et complète dans les endroits considérés publics. Bien que certains lieux dits publics le soient moins que d'autres, le risque d'une interpellation en justice demeure encore très élevé.

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