Table des matières

Un texte à lire

Envoyé par Nuances en date du 06 mars 2002 à 13h42
Dans le Soleil de Québec, aujourd'hui même :
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Les familles homoparentales sont aussi des familles

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Les enfants ont des droits, les parents ont des obligations, voilà ce qui doit guider la réflexion dans la délicate question de l'adoption et des droits parentaux des couples de même sexe.

L'étude en commission parlementaire de l'avant-projet de loi sur les unions civiles n'a pas mis de temps à faire consensus. Sauf exception, tous y voient la reconnaissance légitime des couples de même sexe. De même, on a vite pris conscience de l'incohérence d'une loi créant un contrat d'union civile pour un couple et laissant de côté les enfants vivant avec ce même couple.

Si la reconnaissance des unions civiles a vite fait l'unanimité, la question des droits parentaux n'a pas reçu le même accueil. Les opposants ont fait état de la nécessité de protéger les valeurs familiales et les valeurs religieuses. Certains radicaux ont émis l'opinion que les relations homosexuelles sont contre nature et qu'il n'est pas sain de laisser la garde des enfants à des couples de même sexe.

La véritable question à se poser est la suivante : est-ce que deux femmes ou deux hommes sont capables d'être de bons parents et de répondre aux besoins des enfants ?

Je suis un homosexuel, près de la soixantaine, vivant en couple avec le même homme depuis 30 ans. Je n'ai plus l'âge de nourrir un projet parental et n'aurai pas le bonheur d'être grand-père. Lorsque j'étais en âge de nourrir un tel projet, bien des choses s'y opposaient. Comme les gens de ma génération, mes valeurs me dictaient que les enfants avaient besoin d'un papa et d'une maman pour se développer. Mon éducation prenait racine dans les valeurs religieuses traditionnelles et on m'avait inculqué que l'homosexualité était mauvaise. Ce faisant, l'idée d'avoir des enfants était aussi mauvaise. Ajoutons à cela que la fécondation nécessite l'apport des deux sexes et que l'enfant aurait peut-être à subir les sarcasmes des autres enfants s'ils découvraient qu'il y a deux papas à la maison.

Fort de cet enseignement, du grand amour que je portais aux enfants et surtout de leurs intérêts, j'ai cru qu'il serait plus généreux d'abandonner tout projet parental.

Je peux donc comprendre la réticence de certaines personnes qui croient que les couples de même sexe devraient s'abstenir d'avoir des enfants. Je leur propose ma réflexion des 30 dernières années, celle qui m'amène à conclure que j'ai fait erreur. Si j'avais à refaire ma vie, je la referais avec le même homme. Ce qui serait différent, c'est que nous aurions mis nos capacités parentales au service d'un ou deux enfants.

Dans l'intérêt de l'enfant

Ce qui doit évidemment primer, c'est l'intérêt de l'enfant. Encore ici, il y a 30 ans, il fallait suivre son instinct. Peu de données ou d'études traitaient de la question et dans le doute, il valait mieux s'abstenir. Or, depuis, de nombreuses études ont mis en évidence que deux parents de même sexe réussissent aussi bien que ceux de sexes différents. On pourra toujours prétendre que certaines de ces études ne sont pas valables et remettre en doute leur méthodologie. Toutefois, il ne sera pas aisé de s'en prendre à la plus récente, celle de l'American Pediatric Association qui conclut après des années de compilation que les enfants élevés par des couples de même sexe ont un développement comparable à celui des couples de sexes différents. On pourrait aussi consulter les travaux de Danielle Julien, professeure à l'Université du Québec à Montréal, travaux qui confirment que l'orientation sexuelle des parents n'a pas d'incidence sur le développement des enfants.

Pour ce qui est des nécessaires modèles masculins et féminins, ils doivent bien sûr être présents dans l'environnement de l'enfant, mais pas nécessairement à la maison. Des amis, des grands-parents, des oncles et tantes près de la famille peuvent répondre à ce besoin. Si tel n'était pas le cas, ce serait le drame pour tous les nombreux enfants dont le papa ou la maman est absent.

Quant aux valeurs religieuses, je ne peux croire que Dieu n'aime pas deux personnes qui s'aiment. Notre société a évolué et on a appris à mettre les nuances nécessaires. Qu'il s'agisse de l'homosexualité, des moyens de contraception, de l'avortement, du divorce, voire de la finalité des relations sexuelles qui ne sont plus réservées à la stricte procréation. Bref, on ne trouve plus beaucoup de monde capable de répondre aux exigences de l'Église.

Que dire de l'argument voulant que ce ne soit pas naturel ? Là-dessus, ma réponse n'a pas besoin du recul de mes 30 dernières années. Ce qui est dans la nature est naturel. Cet argument cache habituellement le malaise de leurs auteurs face à l'homosexualité.

Enfin, on ne peut nier que les enfants risquent de subir les taquineries de leurs amis. Les enfants ne se font pas de cadeaux. Cet argument est pour moi le plus sensible. Les enfants ont des capacités d'adaptation et des mécanismes de défense. Quel enfant est à l'abri de toute difficulté ? Il y a les enfants des familles monoparentales, ceux dont les parents se sont séparés, ceux qui ont de multiples parents, ceux dont les parents sont quasi absents, etc. Les enfants qui s'épanouiront seront ceux qui ont des parents capables de leur donner l'amour, l'affection, l'encadrement et la sécurité nécessaire à leur développement. Tout cela n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle des parents.

Mon expérience des 30 dernières années, les preuves scientifiques, les témoignages et l'évolution de la société auront suffi à me convaincre que la qualité de l'éducation donnée à un enfant par ses parents dépend avant tout des qualités personnelles de ceux-ci. Deux parents qui unissent leurs talents et leurs efforts et qui les mettent au service d'un enfant qu'ils aiment, ça ne peut pas être une mauvaise recette.

Les dernières années ont transformé notre société. Elle s'est ouverte à la différence sous toutes ses formes. Son modèle unique a fait place à la diversité. Cette différence est aussi celle de la famille dont le concept a évolué au cours de ces mêmes années. Le discours traditionnel tend à démonter que le concept de la famille n'a de sens que pour celles composées d'un homme et d'une femme avec enfants. Ce modèle rejette les nombreuses familles sans enfant, les familles monoparentales, les familles éclatées et celles dont les parents sont de même sexe.

Des familles à reconnaître

Le concept même de famille n'est pas remis en cause. Au contraire, les et les lesbiennes réclament la reconnaissance de leur famille. Les couples de même sexe savent qu'ils sont capables de former des familles, d'élever des enfants et de répondre à leurs besoins.

Le but recherché n'est pas de créer un droit pour les et les lesbiennes d'avoir des enfants. Les et surtout les lesbiennes ont déjà des enfants : ils veulent tout simplement leur donner les garanties juridiques dont ils ont besoin. Dans l'état actuel du droit, ils ne peuvent pas partager leur responsabilité parentale avec leur conjoint. Prenons l'exemple d'une mère monoparentale qui décide de vivre avec une autre femme ayant accepté de partager la responsabilité parentale. La relation affective entre l'enfant et la conjointe se développera dans un rapport parent-enfant. S'il advenait que la mère biologique décède, la conjointe, malgré qu'elle soit dans les faits parent de l'enfant, n'aurait aucun droit. On peut déjà imaginer le drame pour l'enfant s'il devait en être séparé.

Que l'on soit pour l'adoption et la reconnaissance juridique des rapports entre enfants et couples de même sexe ou que l'on soit contre, tous partagent le même objectif d'assurer le bien-être des enfants.

Mon conjoint et moi nous sommes privés du bonheur d'élever des enfants parce qu'un doute persistait dans notre esprit. L'amour que je portais pour les enfants me dictait de m'abstenir, de peur de ne pas être capable de les rendre heureux. Ce doute est maintenant dissipé. Les couples de même sexe sont capables de mener un projet parental à terme, de rendre des enfants heureux et de leur donner tout le bagage dont ils ont besoin pour affronter la vie et se développer.

Le lien de filiation entre parent et enfant peut s'établir de différentes manières : l'insémination naturelle par accouplement, l'insémination assistée de la mère et enfin l'adoption. Même si nous avons discuté principalement de l'adoption, le projet de loi devra s'intéresser à la filiation sous toutes ces formes. Quant à l'adoption proprement dite, elle doit demeurer réservée à des personnes et des couples ne présentant aucun risque pour l'enfant. L'évaluation des demandes d'adoption doit prendre en compte l'intérêt premier de l'enfant qui a droit d'avoir des parents capables de lui donner tout ce dont il a besoin, autant sur le plan affectif que matériel. En cela, les couples de même sexe doivent faire l'objet d'une évaluation rigoureuse selon les mêmes critères que les couples de sexes différents, ce qu'a d'ailleurs confirmé l'Association des centres jeunesse en commission parlementaire.

Enfin, je souhaite que les jeunes couples de même sexe désireux de bâtir une famille aient le privilège d'avoir des enfants et que le législateur assure la protection juridique dont ces enfants auront besoin. De même, je souhaite que les personnes encore réticentes sauront être capables de compréhension et de générosité et de faire l'effort d'accepter que ce qui est différent n'est pas nécessairement mauvais.


LAURENT McCUTCHEON
Président de Gai Écoute

Vice-président de la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec et défenseur des droits de sa communauté
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il n'y aurait qu'un seul argument contre

Envoyé par Luc en date du 07 mars 2002 à 03h29 en réponse à Un texte à lire (reçu de Nuances le 06 mars 2002 à 13h42).
Moi aussi j'en viens à la conclusion qu'il n'y a vraiment qu'un seul argument contre la parentalité chez les gays.

Il est clair que ce soit deux hommes ou deux femmes ou un homme/une femme, ou même un seul homme ou une seule femme ou plus que deux personnes (comme dans certaines cultures), un enfant peut très bien se faire élever adéquatement par toutes ces facons.

J'ajouterais que dans le cas de couples gays, en autant que les personnes soient heureuses et que le couple soit sain (et si les personnes sont heureuses au départ, le couple a bien des chances d'être sain), l'enfant aura au moins de plus la notion de tolérance qui lui sera inculqué assez jeune. Ca servira beaucoup dans notre société multi-culturelle.

Sans me tromper, je suis à peu près certain que l'enfant d'un couple gay sera hétérosexuel, à tout le moins 90% du temps. Même si j'ai l'intuition qu'un enfant d'un couple gay "pourrait" se faire offrir le choix d'explorer d'autres sexualités que l'hétérosexualité, il est fort probable que cet enfant sera de la majorité hétérosexuel dans un foyer très minoritaire.

C'est là le seul problème que je vois, si l'enfant a des problèmes extérieurs, auxquels le couple n'a pas d'influence, à cause qu'il est issu d'un couple marginal dans la société, et que par ce fait son enfance est malheureuse, je crois que cet enfant serait justifié de dire à ses parents (gays) "mais qu'est-ce qui vous a pris, vous mes tapettes, de m'élever dans un monde encore trop homophobe".

D'un autre coté, si on attend la famille idéale pour procréer, je crois qu'il n'y aurait jamais d'enfants. À ce compte, on devrait interdire à toutes les familles pauvres, dont les partenaires ont des problèmes psychologiques, sont malheureux, dont le couple est malsain, où il y a des problèmes d'abus, de dépendances à des substances, d'élever des enfants. On sait très bien que ce n'est pas le cas.

Je pense que l'important ici c'est de se rappeler qu'il faut faire cela pour le bien de l'enfant, et non pour son bien personnel de vouloir à tout prix avoir des enfants dans une famille gaie. Bien que chez les hétéros aussi, les raisons d'avoir des enfants sont souvent douteuses (former quelqu,un à son image, ne pas se retrouver seul, avoir quelqu'un qui nous aime inconditionnellement durant les premières années de sa vie, etc.), ce n'est pas une raison pour que nous fassions pareil juste pour le kick de faire pareil.

Les enfants ne devraient pas être les otages de nos revendications politiques. Mais, un individu ou un couple gay, qui a choisi en toute conscience de donner vie et d'élever cette vie de facon harmonieuse et attentionnée sans rien demander en retour que de voir cette vie prendre forme, devrait effectivement pouvoir le faire maintenant dans notre société qui se dit civilisée et tolérante.

Au pire, l'enfant sera élevé dans un foyer tolérant d'une société non-tolérante.
Au mieux, il sera élevé de façon tolérante dans une société qui aura besoin d'individus tolérants.
Encore mieux, si l'enfant a une préférence sexuelle pour le même sexe, il sera élevé dans un foyer qui le supportera.
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Papa... est-ce vrai que tu es...

Envoyé par Nuances en date du 09 mars 2002 à 09h18 en réponse à il n'y aurait qu'un seul argument contre (reçu de Luc le 07 mars 2002 à 03h29).
un bandit, un voleur, un batteur de femme, un bien-être social, un chômeur, un paresseux, un pauvre, un alcoolique, un menteur, un sale nègre, un lâche, un boeuf,etc., etc....

Mille et une affirmations, mille et un jugements, mille et une questions auxquels les parents d'un enfant pourraient devoir faire face. Et si les parents, hétéros comme homos, sont équilibrés, il y aura une réponse toute simple, toute honnête, toute vraie... et un commentaire complmentaire sur la nature humaine et une belle leçon de vie qui fera grandir l'enfant...

Sinon, il ne faut pas faire d'enfants.. Si un gai ou une lesbienne n'est pas capable de faire face pour elle comme pour l'enfant au jugement de l'autre.. alors la position est simple : ne pas faire d'enfant... Si on ne se comprend pas soi-même, si on ne s'accepte pas soi-même comment pourrions nous le faire comprendre et le faire accepter à nos enfants ?
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Et la maman elle!!

Envoyé par Rigolo en date du 09 mars 2002 à 09h39 en réponse à Papa... est-ce vrai que tu es... (reçu de Nuances le 09 mars 2002 à 09h18).
Comment est-elle?

Je serais intéressé à connaître ton point de vue sur les réalités de la maman.
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Idem..

Envoyé par Nuances en date du 10 mars 2002 à 14h11 en réponse à Et la maman elle!! (reçu de Rigolo le 09 mars 2002 à 09h39).
La même chose s'applique.. La façon la plus cruelle d'atteindre un enfant et de s'en prendre à sa mère, car il a souvent un lien beaucoup plus dense, intime, avec elle et il souffre encore plus des médisances, racontars ou même des vérités qui peuvent être lancés au visage de l'enfant pour le diminuer, lui-même, avant tout (souvent l'attaquant, enant ou adulte, ne connaît même pas les parents qu'ils affublent des pires péchés), car le but est toujours d'humilier l'autre de briser sa confiance, de le manipuler.. c'est ça le plus triste la-dedans...

Je me souviens qu'avec des amis, très intimes, il y avait toujours une loi, un tabou naturel.. chacun pouvait critiquer ses parents, sa mère y compris, mais personne ne pouvait s'attaquer à la mère des autres... On peut se le permettre mais les autres n'ont qu'un regard extérieur, partiel...et ne peuvent qu'écouter sans renchérir, même s'ils connaissant bien nos aprents. Mais les enfants ou les adultes pervers, sectaires, ne respectent pas ses conventions amicales.. loin de là ! D'où la souffrance double lorsque l'enfant se fait dire des vérités publiquement ou non au sujet de son père comme de sa mère...

Mais tout ça pour dire qu'on ne peut pas s'arrêter aux simples regards des autres lorsque vient le temps de se dire dois-je, puis-je ou veux-je ou non avoir un enfant... Il faut avant tout identifier les raisons réelles qui nous poussent à faire ce choix...

Je crois que mère nature a prévu ce mécanisme que l'on appelle le désir de parentalité, de projection dans le futur.. de quête d'une descendance. Mais tout comme elle a prévu qu'un certain nombre de sa progéniture animal serait orientée vers le même sexe de manière à réduire cette multiplication des espèces, elle a aussi inscrit dans l'esprit de certains d'entre eux, abstraction faite de l'orientation sexuelle, l'idée que la famille, la descendance, n'était pas un réel besoin, une nécessité incontournable. D'où il y a des gais et lesbiennes comme des hétéros qui veulent des enfants... et des gais et lesbiennes et des hétéros qui n'en veulent pas et c'est très bien comme ça... comme disait Dalida..;o))
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Pertinent

Envoyé par Gingembre en date du 07 mars 2002 à 20h15 en réponse à il n'y aurait qu'un seul argument contre (reçu de Luc le 07 mars 2002 à 03h29).

Ton analyse est pertinente.

Moi, j'aurais de la difficulté à "dealer" avec le fait qu'un jour, mon garcon me dirait, à son retour de l'école, "P'pa, c'tu vrai que t'es un fif?"

Chose sure et certaine, ce n'est pas moi qui lui aurait mis ces mots là dans son esprit.

Mais pour accepter l'argument dont il est question, il faudrait présumer au départ que la majorité des enfants élevés par des couples homosexuels soient malheureux. Si le mal vient de la société, c'est la société qui a tort. Certes, nous n'avons pas à faire souffrir des enfants. Mais qui les fait souffrir au fait? Je crois que la vraie question est là.

Gingembre
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