Histoire d'un don

Envoyé par J en date du 19 mars 2011 à 09h02
Vu le nombre de personnes qui passent des annonces sur le Babillart offrant ou demandant des dons, je voudrais donner une idée de ce à quoi çà ressemble en réalité.
Alors un couple de femmes m'a contacté par courriel et on a décidé de se rencontrer dans un café à Montréal. On s'est envoyé une photo pour être bien sûr de se reconnaître. Je n'aime pas trop çà, çà fait un peu bizarre d'envoyer çà, un peu "date", mais quand on se retrouve, au moins, on est comme un minimum familier. J'arrive en vélo et je les reconnais en entrant. Ce sont deux belles femmes trentenaires. On s'assoit, on prend un café, comme n'importe quel groupe d'amis, ou presque. D'ailleurs, je me demande si les voisins nous entendent et se demandent qui sont ces trois personnes dans un café qui ne semblent pas se connaître et se posent des questions étranges!
On commence par se poser des questions banales, d'ou on vient, ou on habite. Elles sont épanouies, professionnelles, et anglophones. L'ambiance est a la fois inconfortable et joyeuse: on ne se connaît pas mais on est prêt à s'aider, à faire un truc extraordinaire. On passe aux questions plus ciblées, si j'ai déjà fait çà avant, si j'ai des résultats de test. Et puis surtout, ce qui les intrigue, c'est de savoir pourquoi je fais çà. Je sens comme une petite angoisse derrière cette question: est-ce qu'il voudra des droits sur l'enfant, de l'argent, du sexe. Enfin il doit bien vouloir quelque chose, c'est bizarre quand même. C'est vrai çà, pourquoi je fais çà? J'ai vraiment rien à y gagner, dans cette histoire. Je suis un peu mal à l'aise de dire que je fais çà pour aider deux parfaites inconnues.
On parle encore un peu, on se rassure, on a bien tous l'air normaux. Alors elles me disent qu'elles souhaitent continuer, et qu'elles me recontacteront à la prochaine ovulation, dans quelques semaines.
Le jour venu, je reçois un courriel, et on se donne rendez-vous à un coin de rue. Elles m'y retrouvent en voiture et me disent qu'on va à un hôtel juste à côté. Elles garent la voiture et nous montons, tous les trois, vers l'hôtel, et elles retirent les clés. Situation pas banale, un homme et deux femmes qui louent une chambre d'hôtel en pleine journée. L'une d'elle nous murmure en riant qu'on a l'air de venir faire un plan à trois. Mais l'hôtelier reste impassible. Il doit voir toutes sortes de choses et semble ne s'étonner de rien.
Nous montons. Elles s'excusent de la chambre, trop petite, trop je ne sais quoi, mais je la trouve confortable et propre, et puis de toute façon, pour le temps que je vais y rester, çà n'a pas bien d'importance. Elles me donnent le petit flacon et s'évertuent à me mettre à l'aise. Nous discutons encore un peu, puis elles sortent et me laissent seul avec mon flacon. Là, petite montée de responsabilité masculine: il va falloir le remplir ce petit flacon! La situation incongrue me fait sourire. Là, tout seul dans une chambre d'hôtel, pendant que deux personnes attendent que je me fasse un petit plaisir. Je m'assois sur le lit, allume la télévision en cherchant quelque sujet évocateur, j'oublie ou je suis, jusqu'à ce qui doit arriver. Au moment de couler dans le flacon, je redeviens donneur, je regarde, évalue, y en a-t-il assez? Que vont-elles penser de cette quantité? Ai-je bien fait correctement pour « maximiser »? Après tout, je n'ai jamais vu d'autre donneur que moi! Je referme le flacon que je pose sur la table de nuit, passe à la salle de bain, nettoie tout pour redevenir un monsieur présentable, et j'ouvre la porte, le travail accompli. Je leur dis que c'est fait. Nous parlons un peu, mais le temps presse maintenant, et elles doivent procéder à l'insémination. Je les laisse en leur demandant de me tenir au courant.
Cette fois, cela n'aura pas fonctionné. Un mois plus tard, nous recommencerons. Cette fois-ci, elles veulent faire çà chez elles. J'imagine que la perspective de payer un hôtel chaque mois a joué un rôle, mais je me dis aussi que je dois inspirer un peu confiance. Je les retrouve donc là-bas, dans un petit condo confortable qu'elles souhaitent pourtant changer pour l'arrivée de l'enfant. Elles me reçoivent chaleureusement, comme un vieil ami. Elles m'offrent des cookies, nous discutons tous les trois, nous parlons de nos travails, de nos projets de vacances, et elles de combien elles attendent ce bébé. Puis ensuite me donnent le flacon et me guident à leur chambre ou je vais refaire mon petit travail. Après être sorti, je repars rapidement. En fait ce n'est pas seulement parce qu'il faut faire le don. C'est aussi que comme donneur, c'est comme si on devait toujours se justifier, et une fois le don fait, on se sent comme de trop. Le flacon est là-bas, dans la chambre.
Et enfin, quelques semaines plus tard, je reçois la bonne nouvelle : « Hope you are having a wonderful, relaxing summer trip! Guess what!! I am pregnant!!! Thought we would let you know... you can not even imagine how thankful we are to you!! Was wondering if you would be okay with us sending you a pic when they are born then maybe yearly birthday pics... it is up to you! We are forever indepted to you, you are a beautiful, kind soul!!!! »
Et pour ceux qui se demandent encore pourquoi j'ai fait çà, un courriel comme çà suffit largement à justifier les quelques efforts.
(premier envoi : 07 mars 2011 à 18h58)


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