(source http://www.hornyholland.com/gfx/bb003.gif)
Elles peuvent s'aimer dans l'égalité
Simone De Beauvoir, Le deuxième sexe
Assise au rebord de la fenêtre, les yeux grands ouverts, je me souviens d'une vieille
soumission, d'un cauchemar lointain, qui, autrefois, m'apporta deuil et solitude. Et je suis
là, lasse, épuisée, tressant ensemble dans une douceur et dans une force renouvelées des
images de femmes, des mots brouillons et des poèmes. Je pense aux païennes. Celles
aveuglées par cette génération de mutants. Nos mères se sont tuent, avec les saisons,
depuis trop longtemps, m'Amèr. Trop d'hivers les ont refroidies, me laissant recroquevillée,
entre deux âges, dans mon lainage troué. Sur les sentiers bleuis, l'amour cheminait
égoïstement, il s'offusquait de me voir si entêtée et re-belle. Rusé, le vent, lui, de son courroux,
soufflait sur mon identité. J'haletais. Il gelait mes lèvres. Alors, insurgée, farouche, ma
différence lui résista. La différence de ne pas être née mâle.
*****
Son corps embrassé par un tissus soyeux
danse sous mes yeux et me déchirent les sens.
Ses jambes encerclés de filets tanguent.
Longtemps elle a cherché son égale
Aucune limite à nos fantaisies attachées.
Ses souliers hauts brillent sur mon visage
sanguine. Devant elle, insane, je murmure
Je t'aime fille de mes rêves
femme femme.
Et ses doigts fébriles dégrafent mon corsage
satiné. La langue avide de dire et son doigt apaisant
mes lèvres. Rien à envier au vit de nos impairs
Le pied du lit sens dessus dessous
Volcan en éruption nos corps consumés.
Pourtant j'erre parmi la virilité de mes robes, parmi les couleurs qui maquillent mon visage. Envers et
contre tous, je regimbe comme autrefois, de plus en plus seule. Le refrain me souffle: sois Barbie et tais-
toi, mais si je baise l'une, je refuse l'autre. Presqu'effrontément, entière, je nourris mon corps dual, sans
pudeur, sans peur, de sensations brutes et je tatoue sur mon âme une femme libre, prise dans les rets de ton image, mauvaise fille, sans plastique, trop à l'étroit dans le linge de son enfance. James Dean le jour
Dalida la nuit, échangeant à tour de rôle les secrets de nos amours. Toucher ma peau sigillaire et me
débattre contre les marques ancestrales Et je poétise avec les maux et mes souvenirs, le visage baignant
dans l'encre noire de la chambre .
Ses mains tressent ma peau tannée
aux rythmes flagellés de ses fils de cuir.
Mon mouvement cadencé avec le sien fléchit.
Toujours apaiser l'oiseau sauvage
Libertaire parée au cou de grenat
Son collier de chrome dort à mes pieds
bottés. À genoux, profane, elle supplie
fist-moi déesse de mes nuits
femme femme
Et mes doigts nerveux gravent son dos
parchemin. Le mot mord la chaire en un silence
strident. Voir l'im-monde souillure de nos compères
Les stigmates du drap en deçà delà
Ève en érection son corps retrouvé
La fenêtre ouverte, les pieds sur la ville éclairée, j'assume nos délices, insouciante de savoir si
c'est correct ou mâle. Te re-garder encore et tailler virtuellement de mes mains, dans du marbre
rose, le volume de tes seins, les courbes de tes hanches et ton ventre, ton ventre qui absorbe
mon regard. Admirer ta nudité, les yeux avides de plaisirs et jouir de ta féminité, de ton silence
pervers. Vouloir rester éternellement femme entre tes bras. Te couvrir de fleurs et, du fond
cristallisé de nos ébats, m'enivrer au son du Chivas Regal. Deux corps ébauchés fougueusement.
Mes pensées doubles luttent pour nous. Animale, m'approcher de toi et dénouer tes cheveux que je préfère long. Sentir la vanille de ton corps. En imprégner mes papilles. Je t'aime fragile et forte à la fois.
Obsessionnellement, tourner autour de toi et te serrer de près, sentir mes seins sur tes reins alors que ta
tête frôle le sol. Amantes, androgynes, encrées en ma mémoire.
**********
© Pagel
aucune reproduction de cette suite poétique ne peut se faire de quelque nature que cela soit sans l'autorisation écrite de l'auteure
|