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Je suis gai, je suis gai...

Envoyé par Cocteau en date du 27 janvier 1999 à 16h26

(source http://felix.cyberscol.qc.ca/lq/auteurN/nelligan/nellig.jpg)

Je sais que le terme est relativement nouveau pour décrire les bougres, les invertis, les pédés comme ils disent....de mon temps, mais je ne peux m'empêcher de sourrie chaque fois que je lis ce poème du jeune Nelligan, d'une beauté puissante... le poème j'entends.. Je ne peux jamais m'empêcher non plus de croire que ce jeune incompris était un visionnaire, qu'il a deviné qu'un jour nous serions comme lui follement gai...

Romance du vin

«Ce poème de neuf quatrains a été écrit par un soir de mai 1899. C'est dans ce poème que Nelligan a investi sa rage et sa douleur d'être un poète incompris, ses sanglots de vivre. La société contribue à son malheur, à son rire sonore, à ses sanglots étouffés. C'est une réponse aux journalistes croque-morts, aux femmes qui rient de lui, aux hommes qui repoussent sa main. Jamais Nelligan n'avait-il crié aussi fort. Toutes les strophes du poème sont ponctuées d'exclamations. Dans un moment d'extrême isolement, la place revient au cri et à l'ironie. Rien de plus à propos que de jeter à la face de cette auguste assistance, la dure vérité qu'elle applaudit la poésie sans comprendre le poète.
C'est un diatribe adressée à la société, c'est un credo poétique. C'est l'inextricable ivresse d'être: affirmer son désir de vivre douloureusement et pleinement sa destinée d'artiste, dans l'effarante lucidité de son moi déréglé. Les énoncés et les images de ce poème convergent vers un état d'âme qui alterne les périodes d'excitation et de dépression. Il s'agit en effet, d'une alternance de gaieté et de tristesse, de gloire et d'échec, d'euphorie et d'apathie, de rire sonore et de sanglots... Ce fut le chant du cygne d'un homme meurtri, incompris et aigri.»
WYCZYNSKI, Paul, Biographie de Nelligan, 1987, p. 290.
Ironiquement, c'est ce poème (ce cri du coeur) qu'il a récité un soir de mai à une soirée au château de Ramezay qui lui a permis d'être enfin reconnu.

Tout se mêle en un vif éclat de gaieté verte.
Ô le beau soir de mai. Tous les oiseaux en choeur,
Ainsi que les espoirs naguères à mon coeur,
Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.

Ô le beau soir de mai, le joyeux soir de mai!
Un orgue au loin éclate en froides mélopées;
Et les rayons ainsi que de pourpres épées,
Percent le coeur du jour qui se meurt parfumé.

Je suis gai! je suis gai! Dans le cristal qui chante,
Verse, verse le vin! verse encore et toujours,
Que je puisse oublier la tristesse des jours,
Dans le dédain que j'ai de la foule méchante!

Je suis gai! je suis gai! Vive le vin et l'Art!...
J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d'automne au loin passant dans le brouillard.

C'est le règne du rire amer et de la rage
De se savoir poète et l'objet du mépris,
De se savoir un coeur et de n'être compris
Que par le clair de lune et les grands soirs d'orages!

Femmes! je bois à vous qui riez du chemin
Où l'Idéal m'appelle en ouvrant ses bras roses;
Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses
Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main!


Pendant que tout l'azur s'étoile dans la gloire,
Et qu'un hymne s'entonneau renouveau doré,
Sur le jour expirant je n'ai donc pas pleuré,
Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire!

Je suis gai! je suis gai! Vive le soir de mai!
Je suis follement gai, sans être pourtant ivre!...
Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre;
Enfin mon coeur est-il guéri d'avoir aimé?


Les cloches ont chanté; le vent du soir odore...
Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore,
Oh! si, que j'ai peur d'éclater en sanglots!

JOIE!!!


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Merci beaucoup

Envoyé par denetor en date du 03 février 1999 à 22h17 en réponse à Je suis gai, je suis gai... (reçu de Cocteau le 27 janvier 1999 à 16h26).
Merci pour ce poeme de Nelligan. Ca me fait penser a mon secondaire cinq, il n'y a pas si longtemps, où je lisais follement du nelligan pour comprendre un peu mieux qui j'etais et pourquoi!

Ca faisait longtemps que je n'avais plus rien lu de lui. Ca fait du bien de lire une douleur qui nous ressemble...

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