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JOURNAL DE MARTIN, 30 décembre 1998

Envoyé par Cocteau (suite du 28 déc) en date du 5 janvier 1999 à 23h16
Ma mère veut que j'invite Mélanie pour le souper du Jour de l'An! Je sais pas quoi faire... Les soeurs de ma mère vont être là et me faire chier. Elles vont nous faire des sourires, des conseils, quelques jokes plattes, pis les beaux-frères de ma mère vont en remettre et essayer de flirter avec Mélanie. Déjà à Noël, c'était pas un cadeau de voir les oncles et les cousins Poirier qui reluquaient de notre côté; et ma mère qui nous poussait dans le dos pour qu'on dansent les "plains" cochons. "Colle un peu!" qu'elle me glisse à l'oreille pendant que je dansais avec Mélanie.

Je peux pas continuer de même: mentir, mentir, mentir... me mentir à moi-même, me cacher derrière Mélanie pour faire plaisir à mes parents. Mon père dit jamais rien lui, comme d'habitude. J'pense qu'il sait à quoi s'en tenir avec moi. Il m'a jamais parlé des femmes, pas même de sexe. Pour les jokes de cul pas de problème, surtout quand ses frères ou ses beaux-frères sont là, mais pour jaser avec moi,sérieusement! Jamais, jamais, jamais, pas un traitre mot. On est en 1998 bâtard! Pis mon père a même pas le courage de me parler de sexualité. Des fois je me demande si lui aussi est normal! Si je suis comme ça, c'est peut-être parce qu'il est pareil comme moi, tel père tel fils, non! Reste qu'il a pas les yeux dans sa poche quand les filles passent. On s'est déjà quasiment fait rentrer dans le cul par un camion parce qu'il regardait une fille qui attendait l'autobus.

Moi, je suis pas mieux, j'ai jamais osé rien lui demander, sans doute parce que j'étais trop heureux qu'il me demande rien, et de peur qu'il me demande vraiment des choses... Il y a assez de ma mère qui tourne autour du pot... Faut que je téléphone à Mélanie pour savoir ce qu'elle fait pour le Jour de l'An. Je sais pas si elle a des nouvelles de Martine. J'aimerais aussi téléphoner à Éric. L'année achève et j'ai pas l'impression d'avoir avancé d'un pouce depuis que j'ai compris que j'étais spécial...ou disons, pas comme la plupart des autres. J'avais tellement hâte au Jour de l'An... pis là, j'ai pu hâte pantoute.

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JOURNAL DE MARTIN, 31 décembre 1998

Envoyé par Cocteau en date du 6 janvier 1999 à 12h53 en réponse à JOURNAL DE MARTIN, 30 décembre 1998 (reçu de Cocteau (suite du 28 déc) le 5 janvier 1999 à 23h16).
J'espère juste que l'année qui vient commencera moins mal que l'année qui s'achève. J'ose même par faire de voeux parce qu'il faudrait au moins que je sache où je m'en vais, ce que je veux vraiment. Mélanie vient me chercher pour une soirée surprise. Ma mère est pas contente, mais je lui ai dit que la grand mère de Mélanie tenait absolument à nous recevoir et que c'était normal que vu qu'à Noël, on étaient avec ma famille, il fallait aller dans la sienne pour le Jour de l'An, à Drummondville. Elle avait pas pensé à ça Jacqueline! Y'a déjà de la parenté qui est arrivé et je suis dans le sous-sol, mais je vais me sauver par la porte d'en arrière...
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JOURNAL DE MARTIN, 3 janvier 1999

Envoyé par Cocteau en date du 10 janvier 1999 à 11h32 en réponse à JOURNAL DE MARTIN, 31 décembre 1998 (reçu de Cocteau le 6 janvier 1999 à 12h53).
L'année commence raide, trop raide pour moi. Mélanie avait une petite idée en arrière de la tête, jeudi soir passé. Elle m'a traîné dans le Village gai pour aller dans un party pour le réveillon du Nouvel An. Moi qui passe jamais sur la Ste-Cat. entre Papineau et Berry de peur d'y croiser quelqu'un! J'ose même pas descendre au Métro Beaudry. Mélanie m'a dit que s'était la seule façon de savoir si j'étais vraiment ce que j'étais. Elle m'a dit qu'elle doutait de mon incapacité d'aimer les femmes et que si je voyais le milieu gai je comprendrais peut-être que ce n'est pas mon bag, bal,bla, bla... Finalement, je me suis retrouvé à l'entrée d'une disco, en ligne sur le trottoir, caché le long d'un mur avec la tuque enfoncée jusqu'aux oreilles. Rendu à l'entrée, il demandait 45 $ pour l'entrée. J'ai dit à Mélanie que j'avais pas l'intention de payer ce prix là pour une soirée-disco. Et j'ai foutu le camp... Mélanie m'a suivi mais elle n'était pas très contente. On a fini dans une disco straight pas loin de chez-nous et à 3 h du matin je suis rentré chez-elle.. pour dormir. J'étais pas mal pompette, et Mélanie aussi, on a pris un taxi et le char de son pèr est resté dans le parking de la disco. Il a fallu aller le chercher le lendemain midi. Quand Mélanie m'a laissé à la maison, ma mère m'est tombé dessus avec le sourire jusqu'aux oreilles. Pas possible...

Il y avait des dizaines de gars à l'entrée de la disco gai et ils avaient pas l'air d'être des tapettes, en tout cas pas plus que moi. J'ai pas vu de baguettes en l'air, ni de travestis! C'est une place qui a l'air straight en fait. Il doit pas y avoir un prix d'entrée aussi fort à l'année longue. Je pourrais peut-être y retourner, mais pas avec Mélanie. C'est peut-être vrai que je suis pas fait pour ce monde là...

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Journal de Martin, 6 janvier 1999

Envoyé par Cocteau en date du 10 janvier 1999 à 11h59 en réponse à JOURNAL DE MARTIN, 3 janvier 1999 (reçu de Cocteau le 10 janvier 1999 à 11h32).
Le temps passe vite, les vacances courent, j'ai pas eu le temps de récupérer de mes partys des fêtes. Hier après-midi, on est allé en gang au Quartier Latin pour voir La vie est belle, un film italien que les filles ont trouvé bien, bien, bien touchant, sauf Martine qui a commencé à dire que c'était encore un beau conte de fée gnagnan. Les autres filles, Mélanie, Elisabeth, Sylvie et Catherine, toujours la bouche en coeur et les yeux braqués sur les gros bras de son Éric, ont commencé à lui dire qu'elle avait rien compris, pas de sentimentalité... et Catherine a même fait dire à Éric que le film était réaliste parce que le papa mourait à la fin... Moi, j'ai dit à Martine qu'elle avait parfaitement raison et que j'avais pris le film pour ce qu'il était, un beau conte magique, comique. Là Sylvie a lâché un "On sait bien pourquoi tu dis comme elle....! J'ai pas pu répondre, mais Martine l'a fusillé sur place... "Qu'est-ce- que tu veux dire ?". Mélanie a senti la soupe chaude et s'est détournée quand je l'ai regardé; j'ai compris qu'elle s'était ouvert la trappe déjà. Elisabeth a compris la même chose et elle a aussitôt dit qu'elle était bien d'accord avec nous autres... De la part d'une coureuse de gars comme elle, ça venait complètement contredire l'idée de Sylvie. Mais j'ai compris que je pourrais pu faire confiance à Mélanie. Elisabeth nous a pris moi et Martine par en-dessous du bras et a déclaré: Nous autres les réalistes anti-romantals et sentimentiques nous allons prendre un café à la Brûlerie; qui nous aiment nous suivent! Et Catherine et Éric ont emboîté le pas, Jean-Luc le copain de l'heure d'Élisabeth a suivi... Sylvie a regardé Mélanie et elles ont protesté par principe : Pas encore à la Brûlerie. C'est là que j'ai compris que j'avais plus intérêt à me tenir avec Martine pour ce qui me concerne.. Qui se ressemble, s'assemble: pour ça Sylvie avait bien raison. Martine nous a annoncé emménager dès dimanche prochain chez Élisabeth, je sais pas pourquoi au juste, mais Martine m'a dit qu'elle me dirait plus tard pourquoi.
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Journal de Martin, 8 janvier 1999

Envoyé par Cocteau en date du 10 janvier 1999 à 21h41 en réponse à Journal de Martin, 6 janvier 1999 (reçu de Cocteau le 10 janvier 1999 à 11h59).
J'ai su pourquoi Martine emménageait plus rapidement chez Élisabeth. Elle a découvert que quelqu'un avait lu son journal pendant son absence. En fait, son père a même écrit dedans... Elle a été bouleversée de voir que même lui avait pas eu le bon sens de respecter son intimité et qu'elle devait partir le plus vite possible. Elle en a parlé à Élisabeth qui a été aussi révoltée qu'elle par le geste de son père et qui lui a dit qu'elle pouvait s'en venir quand elle voudrait.

Demain, je vais aider Martine a peinturé sa chambre et à installer les meubles que son père va faire livrer. Dans le fond, y'a l'air de l'aimer sa fille. Je comprends pas pourquoi il a fait ça!

J'avoue que si ça m'arrivait, je serais pas content, mais d'un autre côté ça règlerait le problème... ce serait pu le mien, ce serait le sien aussi... j'veux dire de ma mère parce qu'y a pas de danger que mon père s'intéresse à fouiller dans ma chambre, je pense que ça fait deux ans qu'il est pas monté au deuxième étage de sa propre maison.


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Journal de Martin, 10 janvier 1999

Envoyé par Cocteau en date du 10 janvier 1999 à 23h12 en réponse à Journal de Martin, 8 janvier 1999 (reçu de Cocteau le 10 janvier 1999 à 21h41).
Je conserve mon cahier dans mon attaché-caisse que j'ai reçu l'an dernier car il se barre facilement et ma mère ne peut connaître la combinaison. Hier soir, j'ai soupé avec Martine et Élisabeth. On a bu un peu beaucoup pour célébrer la liberté de Martine. Elle m'a demandé pourquoi je faisais pas comme elle. Je lui ai dit que je le savais pas. Que j'en ressentais pas le besoin. J'y ai dit que moi aussi je tenais un journal et que je le cachais pour être certains que mes parents y touchent pas. Elle m'a dit que si je reste avec eux autres je serais mieux de leur dire. J'y ai demandé si elle avait parlé à ses parents. Elle m'a dit qu'elle avait pas besoin qu'ils savaient à quoi s'en tenir. Moi, je pense que rien dire ou faire comme si ils savaient mais pas vouloir en parler, c'est du pareil au même non! Elle est spéciale Martine. Elle m'a regardé avec l'air de dire, de quoi tu te mêle Ti-cul.. pis sa face à changer, elle m'a dit: t'as raison, Martin, je vais mettre ça clair et net pour toute la famille d'un seul coup, regarde-moi bien faire! Pis tu feras pareil...! J'ai pas eu besoin de répondre parce qu'Elisabeth lui a dit ce que j'en pensais. Chacun son rythme, chacun sa méthode, son besoin. Moi j'ai rajouté: chacun sa vie!

Moi je suis pas prêt, j'ai pas le goût de partir de chez nous, je sais même pas quoi leur dire, j'ai même jamais touché un homme pas plus qu'une femme. Je le sais que je suis de même, mais je sais pas c'est quoi au juste. Je verrai quand j'aurai besoin vraiment de leur dire. Ils vont peut êre comprendre si je leur dit que... On verra bien!

Elisabeth veut me présenter un de ses ex qu'elle a toujours considéré comme un gai refoulé. Elle avait même découvert par hasard qu'il lisait secrètement et sans lui dire ses Playgirls quand il l'attendait tout seul chez elle. Un beau rouquin étudiant en droit à l'Université de Montréal. On verra bien...

(FIN)


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